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MARIE-CLAIRE

C’était Bonne Esther qui nous regardait dans la bouche. Quelquefois, elle s’attardait à une incorrigible gourmande. Alors, elle lui faisait les gros yeux, puis elle lui disait en la renvoyant d’une taloche :

— J’ai l’œil sur toi.

Nous étions quelques-unes en qui elle avait grande confiance. Elle nous faisait pivoter en faisant semblant de nous regarder, et elle disait en riant :

— Ferme ton bec.

J’avais souvent envie d’en manger, mais les bons yeux de Bonne Esther passaient devant moi, et je rougissais à l’idée de tromper sa confiance.

À la longue, l’envie devint si forte, que je ne pensais plus qu’à cela : pendant des jours et des jours, je cherchai le moyen d’en manger sans me faire prendre. J’essayai d’en cacher dans mes manches, mais j’étais si maladroite que je les perdais aussitôt ; et puis, j’avais envie d’en manger beaucoup, beaucoup. Il me semblait que j’en aurais mangé un plein sac.

Un jour enfin, je trouvai l’occasion. Bonne