Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/226

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tentai de rester simple spectateur, et de faire mes observations sur cette drôle de société.

Les danseurs se tenaient le pied en avant, chacun pourvu de sa danseuse. Un Canadien se mit de la partie en accompagnant mon fils sur son crémone ; et vive la joie ! La danse est certainement l’une des récréations les plus salutaires et les plus innocentes que l’on puisse imaginer. Dans mon temps, j’aimais bien mieux me donner ce plaisir que de me morfondre à guetter une truite ; et je me suis dit quelquefois que cet amusement, partagé avec une aimable personne du sexe, adoucissait mon naturel, de même qu’un pâle clair de lune embellit et tempère une nuit d’hiver. J’avais aussi à côté de moi une jeune miss, la fille unique de mon agréable voisin, qui goûta tellement mes observations à ce sujet, que la seconde contredanse la trouva toute prête à honorer l’humble plancher du savoir-faire et des grâces de son pied mignon.

À chaque pause des musiciens, l’hôtesse et son fils présentaient des rafraîchissements à la ronde ; et je ne revenais pas de ma surprise en voyant que les dames, femmes et filles, vous avalaient le rhum pur, à plein verre, ni plus ni moins que leurs amoureux et leurs maris. Mais peut-être aurais-je dû réfléchir que, dans les climats froids, une dose de spiritueux ne produit pas le même effet que sous de brûlantes latitudes, et que le raffinement n’avait point encore appris à ces puissantes et rustiques beautés à affecter une délicatesse qui n’était pas dans leur nature.

Il s’en allait tard ; ayant beaucoup à faire pour le