Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/240

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On jeta l’ancre, et nous restâmes à bord toute la nuit, livrés par moments à de très pénibles réflexions, et nous reprochant d’avoir fait si peu d’attention à notre argent. Combien de temps serions-nous demeurés là ? C’est ce que je ne puis dire, si la Providence, en laquelle je n’ai cessé de me confier, ne fût venue à notre secours. Par des moyens dont je ne puis nullement me rendre compte, le capitaine Judd, de la marine des États-Unis, nous envoya une embarcation avec six hommes pour nous délivrer. C’était le 29 août 1824. Jamais je n’oublierai cette matinée ; mes dessins furent placés dans le bateau avec grand soin, puis nous y descendîmes nous-mêmes, et nous y assîmes aux places qu’on nous indiquait poliment. Nos braves rameurs poussèrent en avant, et chaque minute nous rapprochait du rivage américain. Enfin, je sautai à terre avec un tressaillement de joie ; mes dessins furent débarqués sans accident, et, à vrai dire, en ce moment, je ne me souciais guère d’autre chose. Je cherchai vainement l’officier de notre vaisseau, envers lequel je me plais à exprimer ici toute ma gratitude, et donnai un de nos dollars aux hommes de l’équipage, pour boire à la liberté des eaux ; après quoi, nous nous occupâmes de trouver une humble auberge où nous pussions avoir du pain et du lait, et réfléchir sur ce qui nous restait à faire.

Notre plan fut bientôt arrêté : continuer notre voyage était décidément le meilleur parti. Nous avions un bagage assez lourd, et nous louâmes une charrette pour le transporter à Meadville, moyennant cinq dollars