Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/341

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qu’au contraire, dès que, de cette distance ou de bien plus loin, je me montrais à eux, ils s’envolaient avec tous les signes de la plus vive frayeur, je dus enfin abandonner entièrement ma première idée, et je m’engageai dans une série d’expériences, ayant pour but de me démontrer, à moi du moins, jusqu’à quel point existait cette finesse d’odorat, et si même il était vrai qu’elle existât du tout. J’en consigne ici le résultat pour vous le communiquer ; vous pourrez ainsi conclure vous-même, et juger combien de temps le monde a été abusé par les assertions d’hommes qui, avec leur air d’assurance, n’avaient jamais rien vu, en fait de vautour, que des peaux ; ou qui s’étaient contentés des récits d’individus se souciant eux-mêmes fort peu d’observer la nature de près.

Première expérience. — Je me procurai une peau de daim entière jusqu’aux sabots, et je la bourrai consciencieusement d’herbe sèche, de façon à la remplir même plus que dans l’état naturel. Je laissai le tout sécher et devenir aussi dur que du vieux cuir ; puis, je la fis porter dans le milieu d’un vaste champ, où on l’étendit sur le flanc, les jambes déjetées deçà et delà, comme si l’animal était mort et déjà en putréfaction. Alors je me retirai à environ cent mètres, et quelques minutes s’étaient à peine écoulées, qu’un vautour qui chassait autour du champ, à une assez grande distance, ayant aperçu la peau, vola directement vers elle et s’abattit à quelques pas. De suite je m’avançai, toujours caché par un gros arbre, jusqu’à une cinquantaine de mètres, d’où je pouvais parfaitement observer l’oiseau.