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Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/349

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les plus accessibles et attendent que la corruption l’ait entièrement envahie. Alors toute la bande se met à l’œuvre, offrant le dégoûtant tableau d’une horde affamée de cannibales ; les plus forts chassent les plus faibles, et ceux-ci, à leur tour, harassent les autres avec toute la rancune et l’animosité d’un estomac contraint de demeurer à vide. On les voit sauter de dessus la carcasse, l’assaillir de nouveau, entrer dedans, s’y disputer des lambeaux déjà en partie engloutis par deux ou trois camarades, puis siffler avec fureur, et à chaque instant vider leurs narines des matières qui les encombrent et les empêchent de respirer ; c’est pour cela seul, sans aucun doute, qu’ils les ont si grandes à l’extérieur.

Bientôt l’animal n’est plus qu’un squelette. Aucune partie ne semble trop dure ; tout est déchiré, avalé, et il ne reste rien que des os bien nettoyés. Enfin, tous ces voraces restent là, gorgés et à peine capables de remuer les ailes. À ce moment, l’observateur peut approcher de la troupe sanguinaire, et voir les vautours mêlés à des chiens, qui eux ont réellement trouvé la proie par l’odorat. Mais les oiseaux ne se laissent pas facilement renvoyer ; tout au plus les chiens, en grognant ou leur montrant les dents, peuvent-ils les faire s’enlever à quelques pieds. J’ai vu des busards travailler à un bout de la carcasse, tandis que les chiens déchiquetaient l’autre bout. Mais qu’il survienne un loup, ou mieux encore un couple d’aigles à tête blanche pourvus d’un suffisant appétit, et sur-le-champ place leur est faite, jusqu’à ce que leurs besoins soient satisfaits.