élastique, aller enfin tomber dans la rivière, avec un craquement épouvantable, c’était, je vous proteste, un spectacle des plus saisissants, mais qu’il m’est impossible de vous décrire. Vous dirai-je que j’ai vu des masses de ces énormes troncs entassés l’un sur l’autre au nombre de cinq mille ? Et pourquoi pas, puisque de mes yeux, je l’ai vu ? Mon ami, M. Irish, m’assura qu’à certains moments, il y en avait bien plus encore ; à ce point, qu’aux endroits où ces piles s’amoncelaient, le cours de la rivière en était complétement intercepté.
L’époque des crues, ou « freshets » est le temps que l’on choisit pour amener les arbres aux différents moulins. C’est ce qu’ils appellent pour eux, une bonne partie ; Jediah qui, généralement en est le chef, se dirige, suivi de ses hommes, vers le tas le plus élevé. Chacun d’eux est muni d’un fort levier de bois, d’une hache à manche court ; et tous, soit l’hiver, soit l’été, se jettent à l’eau comme de vrais terres-neuves. Petit à petit, les troncs sont détachés et s’en vont flottant, de cascade en cascade, sur la rivière ; tantôt heurtant contre un rocher et tournoyant plusieurs fois sur eux-mêmes ; tantôt arrêtés court et par douzaines sur un bas-fond au travers duquel il faut les pousser à grand renfort de leviers. Maintenant ils rencontrent une chaussée qu’on leur fait aussi franchir ; mais, soit ici, soit là, il en reste toujours quelques-uns ; et quand la joyeuse troupe arrive à la dernière écluse qui se trouve juste à l’endroit où le camp de mon ami Jediah fut d’abord établi, le conducteur et ses hommes, au nombre d’environ soixante, trempés à qui