Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/87

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elle s’enlève de dessus l’eau en emportant un poisson, aussitôt il s’élance après, monte au-dessus d’elle et la menace par des mouvements qu’elle ne comprend que trop bien ; jusqu’à ce qu’enfin, craignant peut-être pour sa vie, elle se décide à lâcher sa proie. Au même instant, l’aigle qui, d’un coup d’œil, a estimé la vitesse avec laquelle tombe le poisson, rapproche ses ailes, le suit rapide comme la pensée et le rattrape en moins de rien. Maître de son butin, il l’emporte en silence dans les bois où il aide à assouvir la faim de sa vorace couvée.

Parfois cependant, cet oiseau pêche par lui-même, et poursuit le poisson dans les bas-fonds des petites criques. C’est ce dont j’ai été témoin à différentes reprises, dans la crique Perkioming en Pensylvanie, où j’ai vu l’un de ces oiseaux se procurer bon nombre de nageoires-rouges[1], en pénétrant lestement dans l’eau et les frappant avec son bec. J’en ai aussi observé deux qui s’escrimaient sur la glace d’un étang, pour tâcher de harponner quelque poisson, mais sans succès.

Ils ne se bornent pas à ce genre de nourriture, mais dévorent avidement cochons de lait, agneaux, faons, volailles, et toutes sortes de matières en putréfaction, ayant soin de chasser les vautours, les corneilles ou les chiens dont ils tiennent toute la bande à l’écart, jusqu’à ce qu’ils soient eux-mêmes repus. Ils donnent fréquemment la chasse aux vautours et les forcent à dégorger le contenu de leur estomac, pour se jeter sur cette masse dégoûtante

  1. Redfins (Cyprinus cornutus).