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Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/89

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sans même qu’on les aperçoive remuer, non plus que la queue ; et de cette manière, il s’élève souvent jusqu’à perte de vue, sa blanche queue étant la dernière à disparaître. En d’autres temps, il s’enlève seulement à quelques centaines de pieds, et prend rapidement son vol en droite ligne ; parfois, de cette distance, fermant en partie les ailes, il glisse longtemps vers la terre ; puis, comme désappointé, il s’arrête subitement pour reprendre son premier et vigoureux essor ; parfois encore étant à une hauteur immense, comme s’il venait d’apercevoir quelque chose sur le sol, il reploie soudain ses ailes, et glisse au travers des airs avec une rapidité telle qu’il produit un bruit sourd mêlé d’une sorte de cliquetis, assez semblable au sifflement d’une violente rafale parmi les arbres. En de tels instants, l’œil peut à peine le suivre, pendant qu’il tombe vers la terre ; et d’autant plus difficilement que ces chutes, du haut des airs, ont ordinairement lieu quand on s’y attend le moins.

Cet oiseau a la force d’enlever, de la surface de l’eau, tout objet flottant, pourvu qu’il ne pèse pas plus que lui. C’est ainsi qu’il dérobe souvent au chasseur, les canards qu’il vient de tuer. Son audace est vraiment remarquable. Un jour, en descendant le haut Mississipi, j’observais un de ces aigles qui poursuivait une sarcelle aux ailes grises. Il vint si près de notre bateau, d’où cependant plusieurs personnes le regardaient, que je pus distinguer l’éclair de ses yeux. La sarcelle, sur le point d’être prise, et n’étant plus qu’à quinze ou vingt pas de nous, fut sauvée des serres de son ennemi par