Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/97

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sur ces rivières, notamment le long des rivages du Mississipi.

En terminant cette histoire de l’aigle à tête blanche, permettez-moi de vous dire, cher lecteur, avec quel déplaisir j’ai vu qu’on l’eût pris pour servir d’emblème à mon pays ! L’opinion de notre grand Franklin, à ce sujet, coïncide si parfaitement avec la mienne, que je ne puis mieux faire que de vous la présenter ici :

« Pour ma part, dit-il dans une de ses lettres, je voudrais que l’aigle chauve n’eût pas été choisi comme le représentant de notre patrie. C’est un oiseau d’un naturel bas et méchant ; il ne sait point gagner honnêtement sa vie : voyez-le, perché sur quelque arbre mort d’où, trop paresseux pour pêcher pour son propre compte, il regarde travailler l’orfraie. Quand cet oiseau laborieux est enfin parvenu à prendre un poisson qu’il va porter à sa famille, le vaurien s’élance et le lui ravit. Avec toute sa rapine il n’en est pas plus heureux, car, de même que les gens qui vivent de ruses et de filouterie, il est généralement pauvre et souvent très misérable. En outre, ce n’est jamais qu’un lâche coquin ! Le petit roitelet, qui n’est pas si gros qu’un moineau, l’attaque résolûment et le chasse de son canton. Ainsi, à aucun titre, ce n’est un emblème convenable pour nos braves et honnêtes Cincinnati[1], eux qui ont chassé

  1. On sait qu’entre les défenseurs de l’Indépendance il se forma en 1783, aux États-Unis d’Amérique, une société patriotique, une sorte d’ordre de chevalerie, dit des Cincinnati, ayant à sa tête Washington, et qui admettait, entre autres statuts, l’hérédité. — Cette institution,