Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/13

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voit, l’hiver, le long de nos golfes et de nos larges baies, il doit y en avoir des milliers de répandues dans l’intérieur du pays, où elles fréquentent les grands étangs, les rivières et les savanes humides. Durant mon séjour dans l’État de Kentucky, je ne me rappelle pas avoir passé d’hiver sans en apercevoir d’immenses troupes, spécialement au voisinage d’Henderson, où j’en ai tué par centaines, aussi bien qu’aux chutes de l’Ohio et dans les marais environnants, qui sont remplis d’herbes et de diverses espèces de nénuphars dont elles recherchent avidement les graines. Tous les lacs situés à quelques milles du Missouri, du Mississipi et de leurs tributaires, en sont toujours abondamment fournis, depuis le milieu de l’automne jusqu’aux premiers jours du printemps ; et là aussi j’en ai constamment vu, mais se tenant par couples isolés, et occupées à élever leurs petits. Il est plus que probable, selon moi, que ces oiseaux nichaient en foule dans les parties tempérées de l’Amérique du Nord, avant que la population blanche les eût envahies : c’est du moins ce qu’indiquent les rapports d’anciens et nombreux habitants de ces contrées, et ce que dit positivement le vieux général Clarck, l’un des premiers colons des bords de l’Ohio. Il me racontait qu’une cinquantaine d’années auparavant (et aujourd’hui il y en a de cela près de soixante-quinze), les Oies sauvages étaient si communes durant toute l’année, qu’il avait l’habitude d’en nourrir ses soldats, alors en garnison près de Vincennes, sur le territoire qui dépend actuellement de l’État d’Indiana. Mon père, ayant descendu l’Ohio