Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/274

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d’une tarière, pratiquant un trou dans lequel ils introduisaient un tuyau de canne par où le liquide devait s’écouler. Une demi-douzaine de travailleurs s’étaient emparés d’un beau peuplier jaune dont le tronc, scié en plusieurs pièces, avait été creusé en augets qui, placés sous les tuyaux, servaient à recevoir la séve.

Maintenant, cher lecteur, si jamais dans le cours de vos voyages il vous arrive de traverser, soit en janvier, soit en mars, ces terrains couverts d’érables qui s’étendent sur les rives charmantes de la rivière Verte ; soit, en avril, ceux qui longent le Monongahela aux eaux profondes ; ou bien encore, si vous vous égarez au bord de ces limpides ruisseaux qui, du sommet des montagnes Pocano, roulent impétueux vers le Lehigh, et que là vous rencontriez un camp à sucre, suivez mon conseil, arrêtez-vous un moment : que vous soyez à pied ou à cheval, si vous avez soif, nulle part ailleurs vous ne trouverez un breuvage plus agréable et plus sain que le jus de l’érable. Dans les Florides, un homme boira de la mélasse délayée dans l’eau ; au Labrador, il boira ce qu’il aura ; à New-York ou à Philadelphie, il boira ce qu’il voudra ; mais, au milieu des bois, qu’une gorgée de la séve de l’érable lui paraîtra fraîche et délicieuse ! Bien souvent, dans mes longues excursions, j’ai apaisé ma soif en appliquant mes lèvres au tuyau d’où coulait la liqueur sucrée ; j’aurais voulu ne pas quitter ces abondantes sources que m’offrait la Providence, et l’on eût dit que mon cheval lui-même s’en éloignait avec regret !