Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/356

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

transis et découragés, étaient debout au petit matin, heureux de regagner les bateaux et de rentrer à leur vaisseau.

Avant de quitter le Labrador, plusieurs de nos jeunes amis commencèrent à sentir le besoin de renouveler leurs vêtements ; alors nous aussi nous nous fîmes tailleurs, à l’instar des matelots, toujours si adroits à manier l’aiguille, et nos genoux ainsi que nos coudes se couvrirent de pièces aux couleurs bariolées. Nos chaussures en lambeaux, nos habits graisseux, nos chapeaux défoncés, étaient en harmonie avec nos figures tannées et ridées par le froid. Nous avions véritablement l’air d’une bande de gueux et de vagabonds ; mais le cœur était joyeux, car nous pensions au retour, et nous nous sentions fiers de notre succès.

Cependant les bourrasques glacées qui précèdent les tempêtes de l’hiver, amoncelant le brouillard sur les montagnes, soulevaient les vagues sombres de la mer ; et nous, chaque jour nous trouvait plus impatients de partir et de quitter ces mornes solitudes, ces rochers à l’aspect sinistre et ces stériles vallées ; mais les vents contraires nous empêchèrent pendant quelque temps de déployer nos blanches voiles. Enfin, un matin que le soleil semblait vouloir adresser un dernier sourire à cette terre de brumes et de frimas, nous pûmes lever l’ancre. Bientôt le Ripley bondit sur les flots, et nous tournâmes nos regards vers ces régions désolées, en leur disant, de bon cœur, adieu pour toujours.