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Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/398

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Julien.

A-t-elle des enfants ? Elle en a.Je la plains…
Et je les plains aussi, ces pauvres orphelins.

Stéphane.

Ne les peut-elle pas emmener ?

Julien.

Ne les peut-elle pas emmener ? Et le père !!!
— Ah bah ! quelque crétin que rien ne désespère…
Car il serait aimé s’il aimait ses enfants !
Aussi n’est-ce pas lui que je plains et défends ;
C’est vous, mon pauvre ami, c’est cette pauvre femme,
Qui d’un monde inflexible osez braver le blâme,
Sans soupçonner encor l’un ni l’autre, je crois,
Dans quel bois épineux vous taillez votre croix
Et quelle solitude immense, infranchissable
Il va se faire autour de votre amour coupable.

Stéphane.

Est-ce une solitude où l’on est deux ?

Julien.

Est-ce une solitude où l’on est deux ?C’est pis,
C’est un cachot où sont liés deux ennemis.
Car on sait trop comment ces unions boiteuses
Se changent à la longue en des chaînes honteuses
Où les deux enchaînés, l’un à l’autre cruels,
Se reprochent tout bas leurs regrets mutuels !

Stéphane.

Je suis sûr de ne rien regretter.

Julien.

Je suis sûr de ne rien regretter.Vous peut-être ;
Mais elle ! — Croyez-vous qu’à travers sa fenêtre
Elle verra passer d’un œil bien aguerri