Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/393

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D’Estrigaud.

Mais comment ne m’en avais-tu rien dit ?

Navarette.

Les hommes sont si bavards ! Tu ne m’aurais pas gardé le secret, et je pressentais qu’un jour tu aurais besoin d’une fortune ignorée.

D’Estrigaud.

Ou tu es l’ange du dévouement… ou tu veux être baronne.

Navarette, détournant les yeux.

Baronne, moi ? Si tu avais la sottise de m’offrir ton nom, je n’aurais pas celle de l’accepter.

D’Estrigaud.

Parce que ?

Navarette.

Parce que notre mariage te déclasserait sans me réhabiliter.

D’Estrigaud.

C’est un peu vrai.

Navarette, finement.

Ne pas croire que mon sacrifice serait une première réhabilitation qui en justifierait une seconde…

D’Estrigaud.

Peut-être… peut-être ! Le monde est plus romanesque qu’il ne paraît, et quand on sait lui jouer cet air-là… (Déclamant.) « Eh bien, oui, messieurs, moi, Raoul d’Estrigaud, j’épouse la Navarette. Je l’épouse parce qu’en un jour de détresse elle m’a prouvé qu’elle avait gardé in-