Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/443

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Tenancier.

C’est à ta sainte mère qu’il faut demander pardon.

André.

Ah ! j’ai assez souffert pour qu’elle me pardonne ! Je ne souhaiterais pas à mon plus cruel ennemi deux nuits pareilles à celles que je viens de passer… Quelle joie, quel orgueil, quelle force que de se sentir fils d’une honnête femme !… Et pourtant je ne regrette pas mon horrible soupçon ! il m’a sauvé d’une chute irrémédiable.

Tenancier.

Toi ?

André.

Oui, moi ! Grisé par la bonne chère, les femmes, le luxe, les paradoxes, je me laissais gagner à la contagion, je consentais à une infamie… quand cette atroce douleur m’est tombée du ciel et a réveillé mon honneur en sursaut, le frappant, à l’endroit le plus tendre. Maintenant je suis sûr de moi ; j’ai refusé quinze cent mille francs, et si vous saviez comme je m’en sens heureux ! Je vous conterai cela… Le d’Estrigaud est un rusé coquin, je vous en réponds, et il a plus d’un tour dans sa gibecière.

Tenancier.

Tu ne m’apprends rien… Chut ! on vient. (Regardant par la porte de la galerie.) Que veut dire ceci ?

André.

Le baron qu’on rapporte ?

Tenancier.

Que lui est-il donc arrivé ?