Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/213

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glissais ! Bref, de fil en aiguille et de fumiste en serrurier, je me trouvai un beau jour installé dans votre intimité charmante, respectueusement ému de la simplicité de votre chagrin, pénétré du parfum de loyauté qu’on respire autour de vous, et persuadé que je me livrais innocemment à la douceur de l’amitié la plus désintéressée. Comment et quand cette amitié s’est-elle changée en un sentiment plus vif ? Je ne saurais le dire et je serais peut-être encore à m’apercevoir de la métamorphose si on ne m’avait proposé la semaine dernière un parti des plus sortables. Tout s’y trouvait ; pas une objection à faire ; ajoutez de ma part la résolution d’en finir avec le célibat : je devais accepter tout de suite. Mais à je ne sais quelle révolte de mon cœur j’ai senti que ce cœur vous appartenait tout entier, et voilà huit jours que je tourne autour d’une déclaration avec une timidité digne d’un âge plus tendre. Enfin, l’opération est faite, et je vous prie de croire que je n’en suis pas fâché.

Madame de Verlière, remontant derrière la table.

Mon pauvre ami ! j’ai pour vous une véritable affection ; vous êtes le plus galant homme que je connaisse.

Lancy.

Mauvais début.

Madame de Verlière.

J’ai été dupe de votre amitié comme vous-même, et j’ai la conscience de n’avoir rien fait pour encourager des sentiments dont il ne peut vous revenir que de l’ennui.

Lancy

Je ne vous plais pas… je m’en doutais ! J’aurais mieux fait de me taire. Enfin prenez que je n’ai rien dit, et