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LE GUIDE CULINAIRE

Nous sommes aussi ennemis de la prodigalité ruineuse, qui est inutile, que de l’économie trop limitative, qui enraye l’essor du talent, provoque le découragement de l’ouvrier consciencieux, et le conduit directement à l’insuccès.

Le plus habile ouvrier du monde ne peut rien tenter avec rien ; et il serait arbitraire au plus haut point d’exiger de lui la production d’un travail fini selon toutes les règles de l’art, si on ne lui a fourni pour le faire que des éléments défectueux, ou en quantité insuffisante pour atteindre un bon résultat.

Et en matière de fonds de cuisine, le grand point est là : mettre à la disposition de l’ouvrier tout ce qui lui est nécessaire, aussi bien au point de vue de la quantité que de la qualité.

Nous savons que ce qui est possible dans une maison ne l’est pas dans une autre ; que le travail est réglé par le genre de clientèle à servir, et que les moyens de l’exécuter sont naturellement déterminés par le point de fini auquel il doit être porté.

Tout est relatif ; mais il est un juste milieu dont on ne doit pas s’écarter, principalement en ce qui concerne les fonds de cuisine. Et le chef d’établissement qui lésine à ce sujet, qui prend trop au sérieux le principe de l’économie poussée à ses extrêmes limites, absolument incompatible avec les moyens de préparation d’une bonne cuisine, perd le droit de faire des observations au chef chargé de la direction de ses fourneaux. Ou s’il en fait, il sait pertinemment qu’elles sont mal fondées et injustes ; il sait parfaitement qu’il est aussi impossible à un chef d’obtenir d’excellente cuisine avec des éléments défectueux ou en quantité insuffisante, qu’il serait absurde d’escompter qu’une piquette, mise en bouteille, se transformera en grand vin.

Mais si l’ouvrier a à sa disposition tout ce qui lui est nécessaire, la mise en place de ses fonds de cuisine doit retenir son attention d’une façon toute particulière, il doit s’attacher à surveiller leur composition pour les rendre irréprochables ; et avec d’autant plus de raison qu’il assure, par là, la marche régulière du travail général, et l’exécution dans les règles des préparations qui lui sont demandées.