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plénitude : c’est un antique ! J’en reconnais la divine harmonie. — C’est ce qu’il fallait comprendre.

Comme la beauté, la conscience se pressent de loin. Voilà une figure magistrale. Elle domine les visiteurs qui passent, elle arrête ceux qui la comprennent. Quelle expression sur cette face ! Comme dans beaucoup de bustes romains, c’est la période critique de la vie que l’artiste a rendue dans toute son émouvante vérité. Les années ont passé, cette figure a été belle, elle est altière encore, tout à genoux que la voilà, et chez Dieu. Quelle atmosphère autour d’elle ! Comme elle est en repos, dans cet agenouillement, depuis trois siècles ! Et comme elle vit dans son repos, grâce à la perfection du modelé !

Le modelé, selon le plan, est toute la vie de l’architecture et de la sculpture, l’âme des pierres touchées par l’artiste. C’est aussi le rapport des petites proportions, surtout en profondeur. Le détail mal ou pas modelé est d’une bêtise insolente. Tout est plat dans nos pierres sculptées d’aujourd’hui ; elles sont sans vie.


À Saint-Cloud, c’est la beauté des fleurs, quoique mal arrangées, qui nous console des anciennes splendeurs architecturales, disparues.

Avenue magnifique d’un château qui n’est plus.

Je l’ai vu, étant jeune. Il me semble que cette destruction creuse le temps, lui inflige un recul incommensurable.

Le palais était admirable d’ordre et d’harmonie.

Dans les jardins, j’admire l’Apollon. Quelle majesté ! Les découpements, pareils à des anses de vase, donnent au torse des légèretés précieuses. Quelle grâce dans la masse ! De trois quarts et de dos, cette figure est tout à fait dans le goût de Michel-Ange.


L’architecte de Saint-Cloud a eu l’heureuse idée de mettre là de beaux moulages. Je craignais tant d’y trouver — comme ailleurs — d’affreuses copies !

C’est vues d’en bas que les figures antiques ont toute leur beauté. Voyez la Samothrace. Elle plafonne, et des ailes morales, quand elles ne sont pas réelles, l’accompagnent toujours, l’enveloppent.