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Mais, pour recevoir le soleil, il faut avoir longtemps séjourné dans sa cour trois fois sainte, il faut être allé longtemps à sa rencontre, avoir été longtemps son élève. Comme aux monuments, le soleil n’a rien à dire aux artistes que le plein air des chantiers n’a pas préparés à l’entendre.

Est-il possible que tout le monde l’ignore et méconnaisse ses dons ? Ne nous montre-t-il pas l’univers avec majesté ? Ne le rend-il pas sensible et vivant ? N’inspire-t-il pas le poète, célèbre ou obscur ? C’est lui qui fait la richesse des cultivateurs, la joie des animaux, la fertilité de la campagne ; et les pensées de l’homme ont peut-être leur principe et leur foyer dans sa lumière et dans sa chaleur. Longtemps, l’homme a cru voir luire dans ses feux la vérité de Dieu — et Dieu aime qu’on adore le soleil. Lorsqu’il brille, la terre se modèle à sa flamme divine.

C’est ainsi qu’il est permis, c’est par cette patience et cette assiduité qu’il est possible de comprendre et de sentir la géométrie des clartés. Alors, l’esprit y goûte le repos dans le silence, et y puise une énergie et une générosité nouvelles.


La lumière, ménagée à l’intérieur des églises par les vitraux, dépend d’eux et les juge. Voici, par exemple, un mauvais vitrail, travail moderne qui usurpe la place d’une merveille ancienne. La lumière qui le traverse bouscule la paix du lieu, trouble les proportions. Ce vitrail sent l’orage. Or, cette Cathédrale est un jour de beau temps.

Par contre, toute une autre partie de l’église est vraiment plongée dans le ciel : c’est qu’il n’y a pas, là, de vitraux restaurés. Les vitraux anciens vont de plain-pied avec le ciel. Les nouveaux sont des vitraux de salles de bains et de palais d’exposition. Ils sont froids malgré leurs taches violentes.

Celui-ci : par l’esprit je l’étends à terre : c’est un tapis, un tapis d’Orient dont les trous sont du ciel.

Ceux-là : une série de jeux de cartes. Rois, reines, valets. Quel dommage que les grands sujets soient désormais traités et rendus par les moyens de l’industrie inférieure ! L’Église en est venue à reproduire les idoles qu’adoraient les peuplades primitives.