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gorique de la Bible, se conformèrent donc à la tradition des premiers siècles, telle qu’elle était née dans les livres d’Alexandrie et dans les fresques des catacombes ; et par celles-ci plus que par ceux-là elle avait été préparée à l’adaptation plastique.

Adam et Ève, Noë, Abraham et Isaac, Moïse, Tobie, Job, David, Élie, les trois jeunes Hébreux, Suzanne, Daniel dans la fosse aux lions, Jonas et la baleine, puis, Jésus et la Vierge, l’adoration des Mages, l’Agneau, les principaux miracles du Christ, les Sacrements : les catacombes font, littéralement, provision de figures pieuses et de symboles. L’occident puisera sans compter dans ce trésor. Dès le triomphe de l’Église, dès l’édit de Milan, la somptueuse décoration des basiliques, et notamment les mosaïques populariseront les thèmes imaginés dans les catacombes, où déjà, d’autre part, ont été fixées dans leurs lignes essentielles les grandes compositions que les artistes chrétiens, de la période byzantine à la Renaissance, consacreront par leur génie.

La Cathédrale future s’anime donc, à proprement parler, dans les catacombes. N’y cherchons ni architecture, naturellement, ni sculpture, ni peinture même. Mais il y a l’élément primordial, sans lequel l’art chrétien ne serait pas celui que nous connaissons, il y a la constitution de ce langage symbolique que les styles roman et gothique vont illustrer.

Il y a autre chose encore. La religion des larmes, avec son adoration d’un Dieu crucifié, avec ses promesses d’un bonheur sans fin au delà de la vie terrestre, était chez elle dans la cité de la mort. Les persécutions, il est vrai, l’y avaient réduite, et, pour y sauvegarder son refuge contre les Césars, elle invoquait politiquement la loi qui déclare inviolable le champ de la sépulture. Mais l’harmonie était évidente, entre l’habitante et l’habitat : le christianisme fait, de la mort, l’objet principal de ses méditations. Après le grand mort divin, il honorait, dans les catacombes, ses martyrs, et plaçait sur leurs tombeaux ses autels. Les empereurs ne le laissèrent pas manquer de reliques. Mais il conserva cet usage après l’ère des persécutions, substituant seulement au réel sarcophage du saint une petite table de marbre, c’est-à-dire une pierre tombale : c’était l’autel. L’autel n’est-il pas, moralement, le centre, la pierre angulaire de l’église ? Il est resté ce qu’il était au premier siècle. Il sent le goût chrétien de la mort. C’est des catacombes, avec le Symbole, d’où dérivera toute l’ornementation chrétienne, que l’Église a hérité l’autel-tombeau.