Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Moyen Âge alla s’émancipant toujours plus de toute imitation romaine, obéit à un principe et aboutit à une expression, non seulement essentiellement différents de ceux des monuments antiques, mais qui leur sont directement contraires. »

Cela est surtout vrai de l’art du moyen âge comparé avec l’art romain. On ne saurait affirmer que le principe et l’expression de l’art du moyen âge soient directement contraires à ceux des traditions néo-grecques. S’il a fait des emprunts à l’antiquité, c’est en s’adressant à ces traditions. On sait que d’intermittentes relations existèrent, dès les hauts temps, entre les races qui habitèrent les parties septentrionales de l’Europe et les Grecs. Une communauté immémoriale d’origine maintenait des sympathies naturelles entre ces ignorants et ces savants. L’influence orientale a donc pu nous parvenir aussi bien par le Nord que par le Midi. Si elle n’a pas suivi ces deux chemins simultanément, c’est peut-être celui du nord qu’elle a pris le premier, rencontrant au passage la civilisation scandinave et nous apportant, avec l’enseignement hellénistique, les principes et les matériaux de l’architecture norvégienne.

Quoi qu’il en soit, cette influence orientale s’exerça dans l’Occident avec une grande autorité, comme en témoigne la Cathédrale d’Aix-la-Chapelle, cette église de Charlemagne, lourde copie de Saint-Vital de Ravenne, qui sera elle-même copiée plus d’une fois. Mais cette docilité,, qui menaçait de réduire l’art occidental à la pure et servile imitation, par son excès même dénonçait qu’elle n’avait pas d’avenir. Elle constituait un redoutable et insupportable obstacle au développement des artistes nouveaux : or, déjà le génie personnel de la race était conscient de ses forces et capable de donner la vie à tout un art original et puissant. Voyez l’invention ornementale des orfèvres francs ; feuilletez l’œuvre énorme des enlumineurs, qui prépare celle des verriers romans. D’autre part, le sol et le climat ont des exigences qu’ignorent les architectes d’Antioche et de Ravenne et qui s’opposent à la stricte application de leurs principes. — L’art hellénistique, qui a commencé à pénétrer la latinité décadente dès le premier siècle de l’ère chrétienne, laissera pour toujours d’ineffaçables traces dans l’art religieux de l’Occident ; mais il va perdre sa suprématie.

L’art carolingien, bien qu’il ne soit sans doute pas un art tout entier, conclut pourtant une longue période de tâtonnements et d’essais. Il annonce l’art roman. Il a déjà produit des églises entièrement voûtées (Aix et Germigny). Vers sa fin, il verra les sculpteurs achever de conquérir le Style sous l’influence de l’Orient. Sur-