Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/93

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parallèles, et qui semblent étrangers l’un à l’autre. Ils sont pourtant reliés et conduits par la loi profonde qui gouverne les activités et partage entre elles le travail. Et ne semble-t-il pas, en effet, qu’on assiste à une combinaison réfléchie des forces, à un plan calculé de leur emploi ? Tant que, sur le passé, on ne posséda que des notions vagues et contradictoires, et tant qu’on s’en contenta, l’art et la science avouèrent tous les deux une frivolité déclamatoire et stérile. Mais sous ces dehors s’achevait la vigile des grandes heures. Bientôt l’art et la science, chacun dans sa voie, s’adonnèrent exclusivement aux plus graves, aux plus ardentes études : nous voyons ces deux moitiés de l’esprit humain se rejoindre, au terme, pour le recomposer dans son unité, par la plus mystérieusement simple des synthèses.

Les savants, après les inévitables balbutiements préliminaires, avaient distingué leur but et trouvé la méthode. Depuis la discussion retentissante et mémorable (1817), où Émeric David défendait contre l’Italien Cicognara l’art français du moyen âge, jusqu’au livre (celui-là même si souvent cité par nous, L’Art religieux du XIIIe siècle en France, 1902) que M. Émile Mâle conclut par cette expression si modérée d’une certitude universelle, aujourd’hui, chez tous les bons esprits : « Quand donc voudrons-nous comprendre que, dans le domaine de l’art, la France n’a jamais rien fait de plus grand ? », c’est tout un siècle de labeur incessant, passionné, qui peu à peu, avec une ténacité inouïe, dépouille les documents, décrit les monuments, les authentique, les classe, les date, éliminant sans cesse l’erreur, devinant, dégageant, démontrant la vérité.

C’est la résurrection — idéale — de la Cathédrale, c’est le réveil de la pensée médiévale dans la pensée moderne.

M. Camille Enlart[1] a résumé succinctement cette histoire : « Les vastes et pénétrantes enquêtes du comte Léon de Laborde, l’enthousiasme éloquent de Lassus et de Didron, l’ingéniosité de Félix de Verneille, l’érudition et le goût de Mérimée, le zèle infatigable de M. de Caumont pour la vulgarisation de l’archéologie française, les vues géniales de Viollet-le-Duc, l’éloquence de sa plume et de son incomparable crayon, la science et la méthode de Quicherat, les travaux d’une pléiade d’hommes distingués comme Labarte, Vitet, Ramée, Revoil, L. Deschamps de Pas, créèrent la science de notre archéologie nationale, la révé-

  1. Manuel d’Archéologie française.