Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/125

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Mathias ne fit jamais d’injustice à personne. Il essaya donc de toucher le riche marchand : « Vois-tu, lui dit-il, cet homme ? Il est pauvre, il a une famille nombreuse. Donne-lui deux de tes bœufs, et il t’en restera encore quatre, outre ceux que tu as laissés à l’étable. » Le marchand ne savait pas qui lui parlait ; aussi répondit-il d’un ton bourru qu’il entendait garder tout son bien … Vous plaignez le pauvre homme ? vous croyez qu’il va rester malheureux pendant que le méchant prospérera ? On voit bien que vous ne connaissez pas le roi Mathias.

Il comprit sur-le-champ ce qu’il avait à faire ; et, s’approchant de son protégé, il lui recommanda de vendre au plus vite ses bœufs pour acheter en échange autant de chiens qu’il s’en pourrait procurer, après quoi il devait se rendre à Bude et se promener devant le château. Le paysan ne manqua pas de suivre cet avis, et il rencontra le roi, un jour que celui-ci revenait de la chasse. Mathias le reconnut sur-le-champ, paya fort cher un des chiens, et engagea les seigneurs qui l’accompagnaient à suivre son exemple. Le brave homme repartit ses poches pleines de ducats. Le marchand aux six bœufs n’eut pas plutôt appris cette aventure, qu’il vendit les terres qu’il avait frauduleusement acquises, et accourut à Bude avec un troupeau de molosses. Malheureusement pour lui, le roi Mathias le reconnut comme il avait reconnu l’autre, et, devinant la pensée de