Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/148

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On put dès lors comprendre, en Transylvanie, quelle influence exerce un seul homme sur un pays entier. Cette principauté, sous l’administration de Gabriel Bethlen, se fit respecter des Turcs, imposa la paix aux Impériaux, et, relevant par trois fois l’opposition protestante en Allemagne, contribua au maintien de l’équilibre européen. Au dedans, Bethlen révisait les codes, fondait des collèges, appelait des savants et des artisans étrangers. Bien qu’il eût livré quarante-deux batailles, et reculé par les armes les frontières de la Transylvanie, il laissa après lui des améliorations qui sont ordinairement le fruit de la paix. Nous nous sommes étendu sur l’histoire de ce prince, parce qu’une foule d’écrivains l’ont dénaturée. Bethlen avait l’ambition des hommes supérieurs, qui se sentent nés pour commander et faire de grandes choses. Il voulut monter sur le trône, et il y monta. Il voulut soutenir ses coreligionnaires, qui fléchissaient en Allemagne, et il les soutint. Les jésuites, qui dominaient sous les Báthori, ont reproché au protestant Bethlen ce qu’ils nommaient son usurpation, et en ont fait un ingrat ambitieux. D’autre part les historiens impériaux ne lui pardonnèrent pas ses victoires, et l’accusèrent d’avoir trahi les intérêts de la chrétienté. Enfin la plupart des écrivains modernes, sans partager les passions de leurs devanciers, ont involontairement adopté leurs préventions, dans l’impossibilité où ils étaient de consulter d’autres sources.