Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/340

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comme des soldats qui marchent, puis, s’appuyant sur leurs longs bâtons, faisaient, en criant, des sauts irréguliers, de façon à représenter une mêlée. Les femmes erraient toujours, silencieuses et graves, pareilles à des ombres. À la fin les hommes s’élançaient vers elle avec des signes de joie, comme s’ils les retrouvaient après un danger, les ramenaient dans le cercle, où tous dansaient avec la plus vive gaîté. Voyez combien la tradition est puissante. C’est tout un poëme que cette danse-là. Qui sait de quelle invasion de barbares oubliée par l’histoire elle a consacré le souvenir ?

Il y a certaines danses qui ont un caractère extrêmement sauvage. J’en ai vu plusieurs de ce genre à Lóna, près de Clausenbourg, un jour que le seigneur donnait une fête aux Valaques de son village. Au son d’une musique étrange dont il était impossible de rien saisir, les hommes, rangés en cercle, réunissaient leurs bâtons sur un point, sautaient en lançant leurs jambes, et poussaient de grands cris. D’ordinaire, au commencement de chaque danse, l’homme prend la femme par la main, fait deux pas en avant, un pas en arrière, en suivant le cercle, de façon que tous les groupes reviennent à leur place. Alors le cavalier lève le bras et fait passer au dessous la danseuse, en la poussant vivement et à plusieurs reprises. Quelquefois les hommes se réunissent au centre, claquent des doigts, font des bonds, puis, s’arrêtant tout à coup, contemplent leurs pieds,