Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/446

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aussi il a la faculté d’ériger un moulin, et d’établir un bac sur la rivière voisine. Ce sont là des prérogatives qui étaient fort recherchées des possesseurs féodaux.

Entre les habitudes que le moyen âge a introduites et que la loi respecte encore, il en est une assez particulière et qu’il faut faire connaître. Lorsque, par suite d’empiétements successifs, un propriétaire envahit le territoire de son voisin, celui-ci doit protester contre cette usurpation, s’il ne veut faire l’abandon des champs occupés. Il a, pour protester, deux moyens différents. S’il est doué d’une patience évangélique, il intente un procès à l’envahisseur, et attend tout de la justice ; sinon il peut recourir à une voie plus sûre. Il assemble un matin les paysans de corvée, les mène sur le territoire en litige, et fait couper le blé que le voisin a eu l’imprudence d’y semer. Lui-même, à la tête des gens de sa maison en armes, protège les travailleurs. Voilà qui sent son quatorzième siècle. Ainsi composée, cette petite troupe rappelle les années féodales. Les faucheurs représentent le ban et l'arrière-ban, tandis que les domestiques qui suivent leur maître à cheval figurent la noblesse qui combattait aux côtés du roi. Pour un Français de notre époque, il eût été assez curieux de prendre part à une de ces expéditions. Mais le monde se gale de jour en jour, comme me le disait un vieux gentilhomme hongrois, et je n’ai pas ouï dire,