Page:Auguste de Gérando - La Transylvanie et ses habitants, 1845, Tome I.djvu/49

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il tombe ; alors le cavalier lui passe le mors qu’il tenait au bras, le laisse reprendre quelques forces et le ramène dompté.

Le csikós est un jeune et joyeux garçon, leste, adroit et vigoureux. Il sait par cœur les légendes, les traditions, les histoires de bandits. C’est lui qui vous expliquera le mirage. « Vous croyez voir un fleuve là bas ? dit-il ; détrompez-vous : c’est la fée du midi a’ Délibába, qui veut s’amuser des hommes. Pourtant, ajoute-t-il, elle ne peut le faire qu’avec la permission de Dieu, et comment Dieu le permet-il ? » Et le voilà qui disserte en théologien. Il ne rêve pas de meilleure vie que la sienne : ses chevaux hennissent près de lui ; la steppe s’étend infinie à ses yeux, il ne demande rien de plus au monde. Quand gronde l’orage, il tourne sa pelisse du côté de la pluie. S’il rencontre une source, il boit en se servant, comme d’un verre, du bord de son chapeau. Une kulats ou gourde pleine d’un vin généreux est attachée derrière sa selle. Enduite de cire, suivant la coutume tatare, et recouverte de peau de poulain, la kulats est quelque chose de national, et a inspiré à un poëte hongrois, Csokonai, des vers dignes d’Anacréon. Les éperons du csikós sont toujours brillants et sonores. À son fouet, dont le manche est fort court, et la lanière démesurément longue, il attache des rosettes de cuir de toute couleur, et des fleurs de soie sont brodées sur la bourse de peau où il met son tabac.