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LA CITÉ DE DIEU.

crifices, que nous les pratiquions envers nous-mêmes ou envers le prochain, et qu’elles n’ont d’autre fin que de nous délivrer de toute misère et de nous rendre bienheureux, ce qui ne peut se faire que par la possession de ce bien dont il est écrit : « M’attacher à Dieu, c’est mon bien[1] », il s’ensuit que toute la cité du Rédempteur, c’est-à-dire l’assemblée et la société des saints, est elle-même un sacrifice universel offert à Dieu par le suprême pontife, qui s’est offert pour nous dans sa passion, afin que nous fussions le corps de ce chef divin selon cette forme d’esclave[2] dont il s’est revêtu. C’est cette forme, en effet, qu’il a offerte à Dieu, et c’est en elle qu’il a été offert, parce que c’est selon elle qu’il est le médiateur, le prêtre et le sacrifice. Voilà pourquoi l’Apôtre, après nous avoir exhortés à faire de nos corps une victime vivante, sainte et agréable à Dieu, à lui rendre un culte raisonnable et spirituel, à ne pas nous conformer au siècle, mais à nous transformer par un renouvellement d’esprit, afin de connaître ce que Dieu demande de nous, ce qui est bon, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait, c’est-à-dire le vrai sacrifice qui est celui de tout notre être, l’Apôtre, dis-je, ajoute ces paroles : « Il vous recommande à tous, selon le ministère qui m’a été donné par grâce, de ne pas aspirer à être plus sages qu’il ne faut, mais de l’être avec sobriété, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun de vous. Car, comme dans un seul corps nous avons plusieurs membres, lesquels n’ont pas tous la même fonction ; ainsi, quoique nous soyons plusieurs, nous n’avons qu’un seul corps en Jésus-Christ et nous sommes membres les uns des autres, ayant des dons différents, selon la grâce qui nous a été donnée[3] ». Tel est le sacrifice des chrétiens : être tous un seul corps en Jésus-Christ, et c’est ce mystère que l’Eglise célèbre assidûment dans le sacrement de l’autel, connu des fidèles[4], où elle apprend qu’elle est offerte elle-même dans l’oblation qu’elle fait à Dieu.

CHAPITRE VII.
LES SAINTS ANGES ONT POUR NOUS UN AMOUR SI PUR QU’ILS VEULENT, NON PAS QUE NOUS LES ADORIONS, MAIS QUE NOUS ADORIONS LE SEUL VRAI DIEU.

Comme les esprits qui résident dans le ciel, où ils jouissent de la possession de leur créateur, forts de sa vérité, fermes de son éternité et saints par sa grâce, comme ces esprits justement immortels et bienheureux nous aiment d’un amour plein de miséricorde, et désirent que nous soyons délivrés de notre condition de mortalité et de misère pour devenir comme eux bienheureux et immortels, ils ne veulent pas que nos sacrifices s’adressent à eux, mais à celui dont ils savent qu’ils sont comme nous le sacrifice. Nous formons en effet avec eux une seule cité de Dieu, à qui le Psalmiste adresse ces mots : « On a dit des choses glorieuses de toi, ô cité de Dieu[5] ! » et de cette cité une partie est avec nous errante, et l’autre avec eux secourable. C’est de cette partie supérieure, qui n’a point d’autre loi que la volonté de Dieu, qu’est descendue, par le ministère des anges, cette Ecriture sainte où il est dit que celui qui sacrifiera à tout autre qu’au Seigneur sera exterminé. Et cette défense a été confirmée par tant de miracles, que l’on voit assez à qui ces esprits immortels et bienheureux, qui nous souhaitent le même bonheur dont ils jouissent eux-mêmes, veulent que nous offrions nos sacrifices.

CHAPITRE VIII.
DES MIRACLES QUE DIEU A DAIGNÉ OPÉRER PAR LE MINISTÈRE DES ANGES A L’APPUI DE SES PROMESSES, POUR CORROBORER LA FOI DES JUSTES.

Si je ne craignais de remonter trop haut, je rapporterais tous les anciens miracles qui furent accomplis pour attester la vérité de cette promesse faite à Abraham tant de milliers d’années avant son accomplissement, que toutes les nations seraient bénies dans sa race[6]. En effet, qui n’admirerait qu’une femme stérile ait donné un fils à Abraham[7], lorsqu’elle avait passé l’âge de la fécondité ? que, dans le sacrifice de ce même Abraham, une flamme descendue du ciel ait couru au milieu des victimes divisées[8] ? que les anges,

  1. Ps. lxxii, 27.
  2. Philipp. ii, 7.
  3. Rom., xii, 3-6.
  4. On le cachait aux païens et aux catéchumènes.
  5. Ps. lxxxvi, 3.
  6. Gen. xviii, 18.
  7. Ibid. xxi, 2.
  8. Au sujet de ce miracle, saint Augustin s’exprime ainsi dans ses Rétractations (livre ii, ch. 43, n. 2) : « Il ne fallait pas comprendre dans le sacrifice d’Abraham, ni citer comme un miracle, la flamme descendue du ciel entre les victimes diverses, puisque cette flamme fut simplement montrée en vision à Abraham ». Voyez la Genèse, xv, 17.