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dans l’iniquité, il est plongé dans le gouffre ; mais si tu lui énumères ses fautes, et qu’il réponde : J’ai péché, je l’avoue, le puits ne se referme pas sur lui ; mais si tu l’entends dire : Quel mal ai-je fait ? il prend alors la défense de ses fautes ; l’abîme se referme sur lui, et il n’y a nulle issue pour en sortir. Sans l’aveu, il n’y a point de place pour la miséricorde. Tu te fais le défenseur de ton péché, comment Dieu peut-il t’en délivrer ? Pour que Dieu soit ton libérateur, sois toi-même ton accusateur.

DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 68

DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.

LA RÉDEMPTION PAR LE CHRIST (SUITE).

L’abîme se referme sur nous par le refus de l’aveu de nos fautes. Dieu vent que l’on fasse appel à sa bonté, et même quand il permet l’affliction, il agit avec miséricorde. Hâtez-vous de me secourir, non seulement d’une manière spirituelle et dans mon âme, mais d’une manière ostensible, afin que mes ennemis puissent profiter de ma délivrance, comme la délivrance des enfants de la fournaise convertit Nabuchodonosor. Vous savez ce que l’on nous reproche. Mon cœur n’a trouvé personne qui s’affligeât avec lui sur les hommes qui se perdent. Les fidèles composent la nourriture du Seigneur, les hommes y jettent le fiel des contradictions et de l’hérésie, et le Seigneur refuse d’en boire, parce que ces hommes n’entrent point dans son Église. Par un juste châtiment de Dieu ils doivent trouver un piège dans ce qui est visible, être courbés vers les biens de cette vie, être en butte le la haine, et laisser désertes leurs habitations. S’ils ont aidé à l’accomplissement des desseins de Dieu, c’est par leur malice. Les Juifs ont persécuté celui qui voulait expier nos fautes : en voulant tuer un juste, ils ont encore tué un Dieu ; ils ne doivent point lire leur nom sur le livre de vie. Le pauvre et l’affligé trouveront le soulagement dans la face de Dieu, ou dans le bonheur de l’autre vie. Ils béniront Dieu, c’est là le vrai sacrifice. Nous qui sommes captifs, nous entrerons dans la cité de la délivrance, si nous servons Dieu par amour pour sa gloire


1. Il nous reste à vous expliquer aujourd’hui, mes frères, la seconde partie du psaume, dont nous avons entretenu hier votre piété. Je vois qu’il me faut acquitter ma dette, si toutefois la longueur du psaume ne me laisse pas encore aujourd’hui votre débiteur. Je vous en préviens d’avance, et vous supplie de ne pas attendre de moi de longues discussions sur les passages qui sont clairs par eux-mêmes. De cette manière nous pourrons au besoin nous arrêter sur les endroits obscurs, et peut-être acquitter notre dette ; et ainsi de jour en jour, vous payer à mesure que nous deviendrons débiteur. Voyons donc la suite du psaume, après ce verset : « Que l’abîme ne se referme point sur moi[1] » Hier, nous avons insisté auprès de votre charité, en vous suppliant d’apporter toute l’attention de votre âme, toute la ferveur de votre piété pour écarter de nous cette malédiction, Car l’abîme, ou le gouffre de l’iniquité se ferme sur l’homme qui, non seulement est plongé dans le péché, mais qui se ferme l’issue même de la confession. Quand cet homme en vient à dire : Je suis pécheur ; l’abîme s’illumine d’un rayon de lumière dans ses profondeurs. Le psaume continue donc par les lamentations de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans ses tourments, de Jésus-Christ dans le chef et dans les membres. Comme nous vous l’avons dit : en certains endroits il faut discerner les paroles du Chef ; mais les paroles qui ne peuvent convenir au Chef, il faut les attribuer aux membres. Le Christ parle comme s’il était seul ; car il est bien seul, celui dont il est dit : « Ils seront deux dans une même chair[2] ». S’il n’y a qu’une seule chair, pourquoi s’étonner qu’if n’y ait qu’une seule voix ? Voici donc la suite : « Exaucez-moi, Seigneur, parce que votre « miséricorde est pleine de bonté[3] ». Il nous exprime pour quel motif il doit être exaucé : la divine miséricorde est pleine de bonté. N’était-il pas plus conséquent de dire :

  1. Ps. 68,16
  2. Gen. 2,24 ; Eph. 5,31
  3. Ps. 68,17