Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/235

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comme à des enfants bien-aimés[1] » ; et pourtant il n’ignorait pas cette parole du Seigneur : « N’appelez sur la terre personne votre père ; car vous n’avez qu’un seul père, qui est dans les cieux[2] ». Ce que le Christ n’a point dit sans doute pour ôter du discours ordinaire ce terme d’honneur, mais seulement pour nous empêcher d’attribuer, ou à la nature, ou à la puissance, ou à la sainteté d’aucun homme, la grâce de Dieu qui nous régénère pour la vie éternelle. En disant donc : « C’est moi qui vous ai engendré », il a précisé auparavant : « En Jésus-Christ et par l’Évangile », afin qu’on ne lui attribuât point ce qui appartient à Dieu.
12. Donc « cette génération indocile et rebelle a oublié les bienfaits de Dieu, les merveilles qu’il leur a montrées, les miracles opérés en présence de leurs pères, en Égypte, dans le champ de Tanis ». Le Prophète alors commence à raconter la suite de ces merveilles. S’il y a là des paraboles et des énigmes, elles doivent, par la comparaison, nous rappeler quelques leçons. N’oublions tas le but qui est celui du psaume, et le fruit principal que nous devons en tirer ; ainsi que Dieu nous le marque, en stimulant si vivement notre attention : « Écoutez-moi, ô mon peuple, inclinez l’oreille aux paroles de ma bouche » : mettons notre confiance en Dieu, n’oublions point ses œuvres, recherchons ses préceptes : ne soyons point comme ces hères, une race indocile et rebelle, une génération dont le cœur n’est pas droit, dont l’esprit n’a point cru en Dieu. C’est à ce point qu’il nous faut tout rapporter. Ainsi tout ce que figurent ces actions symboliques, doit s’accomplir dans l’homme d’une manière spirituelle, ou par la grâce de Dieu, si ce sont des biens, ou par le jugement de Dieu si ce sont des malheurs ; de même que tout cela est arrivé pour Israël ou en bénédictions, ou en châtiments contre eux et contre leurs ennemis. Si nous retenons avec soin tous ces enseignements, plaçant en Dieu notre espérance, et n’oubliant pas ses bienfaits, si nous avons pour lui non plus cette crainte servile qui redoute seulement les maux du corps, mais cette crainte chaste qui demeure dans l’éternité, et qui redoute comme une grande peine d’être privée de la lumière de justice, alors nous ne deviendrons point comme ces pères, une génération indocile et rebelle. La terre d’Égypte est donc pour nous l’image de ce monde ; le champ de Tanis est une plaine qui désigne la loi de l’humilité, car Tanis signifie, en hébreu, humble précepte. Recevons donc en cette vie la loi de l’humilité, afin de mériter d’être élevés en gloire dans l’autre vie, gloire que nous a promise Celui qui s’est fait humble pour nous.
13. Car celui qui a divisé la mer pour y « faire passer son peuple, qui a retenu les eaux comme dans une outre[3] », en sorte que l’eau s’est arrêtée comme si elle eût été enfermée, peut aussi par sa grâce arrêter le cours de la convoitise et de nos désirs charnels, nous porter à renoncer au monde, afin que nos ennemis, c’est-à-dire nos péchés, étant abîmés dans les eaux, le peuple passe par le sacrement de baptême. Celui qui « les a conduits tout le jour à l’ombre d’une nuée, et toute la nuit à la lueur du feu[4] », peut encore guider nos pas d’une manière spirituelle, si notre foi crie vers lui : « Redressez mes voies selon votre parole[5] ». C’est de lui qu’il est dit ailleurs : « Il redressera votre course, et conduira en paix tous vos pas[6] », par Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui nous a été révélé en cette vie comme au grand jour, et qui a paru en sa chair comme il apparaissait dans la nuée ; mais qui viendra au jour du jugement comme dans une nuit de terreur. Car alors la tribulation sera pour le monde comme un feu qui brillera aux yeux des justes, et qui consumera les hommes injustes. Celui « qui brisa la pierre au désert, et les désaltéra par d’abondantes eaux ; qui fit sortir l’eau de la pierre, et les eaux coulèrent comme des fleuves[7] », peut sans doute épancher sur l’âme altérée par la foi, les dons de l’Esprit-Saint, dont cette action était la figure ; il peut le répandre de cette pierre spirituelle qui les suivait, et qui était le Christ[8] ; ce même Christ qui était là criant : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi » ; et encore : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, des fleuves d’eau vive jailliront en lui ». Voilà ce qu’il disait, comme le marque l’Évangile, « de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui[9] ». Telle est la pierre qui a frappé le bois de la croix,

  1. 1 Cor. 4,14
  2. Mt. 23,9
  3. Ps. 77,13
  4. Id. 14
  5. Id. 118,133
  6. Id. 118,133
  7. Ps. 77,15-16
  8. 1 Cor. 10,4
  9. Jn. 7,37-39