Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/241

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trouve le contraire ; afin que nous jugions de là que son but n’est point celui que l’on croirait tout d’abord, mais qu’il faut nous élever à une pensée supérieure. Aussi, quant à ces paroles : « il dominera depuis la mer jusqu’à la mer, et depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la terre[1] » ; il est constant qu’elles n’ont pas été accomplies sous le règne de Salomon, que le psaume paraît chanter, tandis qu’il chante le Christ. Ainsi donc, dans ces plaies des Égyptiens, que nous marque d’une manière exacte le livre que l’on nomme Exode, et où l’Écriture a pris soin de nous détailler ces fléaux dont ils furent accablés, nous ne trouvons pas ce que dit notre psaume ; « Il détruisit leurs maisons par la rouille ». De plus, après avoir dit : « Il abandonna leurs bestiaux à la grêle », le Prophète ajoute : « Et leurs possessions au feu du ciel ». Or, nous lisons bien dans l’Exode[2], que leurs bestiaux furent frappés de la grêle, mais non que leurs possessions aient été détruites par le feu. Il est vrai qu’à la grêle se mêlent des bruits et des feux, comme le tonnerre et les éclairs ; et pourtant il n’est pas écrit que ces feux aient rien consumé. Enfin il n’est point dit que les plantes flexibles que la grêle ne pouvait blesser, aient été frappées ou blessées par des coups violents, puisqu’elles furent ensuite la proie des sauterelles[3]. De même encore il est dit : « Il fit périr leurs sycomores par les frimas », ce qui n’est pas dans l’Exode. Car les frimas diffèrent beaucoup de la grêle, et en hiver, pendant les nuits sereines, les frimas blanchissent la terre.
21. Quant à l’explication de ces figures, que chacun en parle comme il pourra, et que le lecteur en juge équitablement. Pour moi, l’eau changée en sang, désigne le jugement charnel que l’on porte sûr les choses. Ces insectes marquent le cynisme de ceux qui ne respectent point les parents dont ils sont nés. Les grenouilles, la vanité qui parle sans cesse. La rouille nuit d’une manière invisible, tantôt on l’appelle rouille, et tantôt canicule à quel vice comparer ce fléau, sinon à celui qui apparaît le moins, comme la confiance en soi-même ? C’est en effet un souffle nuisible qui la produit insensiblement dans les moissons ; c’est le travail de cet orgueil secret qui nous fait croire que nous sommes quelque chose, quand en effet nous ne sommes rien[4]. La sauterelle est cette bouche méchante qui blesse les autres par le faux témoignage. La grêle, c’est l’injustice qui enlève le bien d’autrui, qui produit les rapines, les larcins, les pillages, et où le spoliateur perd plus que ceux qu’il dépouille. La bruine marque le péché qui refroidit la charité pour le prochain, par le froid de la nuit, dans l’obscurité de la folie. Quant au feu, s’il s’agit d’un feu séparé des éclairs et de la grêle, puisqu’il est écrit qu’« il livra au feu leurs possessions », ce qui paraît dire qu’elles furent incendiées, ce que l’Écriture ne dit point du feu du tonnerre, il semble désigner une colère violente qui porte souvent jusqu’au meurtre. La mort des troupeaux, autant que j’en puis juger, marque la perte de toute pudeur, parce que cette concupiscence, d’où provient la génération, nous est commune avec les bêtes, et la vertu de chasteté consiste à l’assujettir et à la régler. La mort des premiers-nés, c’est la perte de cette justice qui est le bien social parmi les hommes. Cependant, que tel soit le sens des figures, ou qu’un autre en donne un plus convenable, qui pourrait voir sans étonnement les dix plaies dont l’Égypte est frappée, et les dix préceptes inscrits sur les tables pour servie de code au peu pie de Dieu ? Chercher l’analogie de ces deux faits, c’est-à-dire de ces plaies et de ces préceptes, nous l’avons fait ailleurs[5], et nous n’en voulons point surcharger l’explication de notre psaume : disons seulement que les dix plaies d’Égypte sont exprimées ici, quoique l’ordre diffère de celui de l’Exode, puisque au lieu des trois que nous y voyons[6], et qui manquent ici, c’est-à-dire des moucherons, des ulcères et des ténèbres, nous eu trouvons trois dans le psaume, et qui manquent dans l’Exode, c’est-à-dire, la rouille, la bruine et le feu, non le feu des éclairs, mais le feu qui consuma leurs biens, et dont l’Exode ne parle point.
28. Mais il est assez clair que Dieu, par un juste jugement, les accable de ces maux, au moyen des mauvais anges, qui travaillent dans notre siècle comme dans l’Égypte et dans les champs de Tanis, où nous devons pratiquer l’humilité, jusqu’à ce que vienne le jour où nous mériterons de sortir glorieusement de cette bassesse. Égypte, en langue hébraïque,

  1. Ps. 71,8
  2. Exod. 9,25
  3. Id. 10,1-15
  4. Gal. 6,3
  5. Sermon sur les dix plaies et les dix préceptes, tome V
  6. Exod. 8,17 ; 9,10 ; 10,22