Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/300

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avant que l’âme en soit séparée : « Le corps », dit-il, « est mort à cause du péché[1] ». Prolonge en effet longtemps ce qui te soutient, il deviendra mortel ; prolonge trop un festin, tu en mourras ; prolonge trop, un jeûne, tu en mourras ; demeure toujours assis, sans te lever jamais, tu en mourras ; marche toujours sans prendre aucun repos, tu en mourras prolonge tes veilles sans vouloir du sommeil, tu en mourras ; dors toujours, sans vouloir t’éveiller, tu en mourras. Mais quand la mort sera absorbée dans sa victoire, ces maux ne seront plus, ils feront place à une paix complète et satis fin. Nous habiterons une certaine ville, mes frères, et quand j’en parle je ne voudrais jamais finir, surtout quand je vois se multiplier les scandales. Qui ne soupirerait après cette cité bienheureuse, d’où nul ami ne sort, où n’entre nul ennemi, où il n’y a ni tentation, ni sédition, ni schisme dans le peuple de, Dieu, nul instrument du diable pour affliger l’Église, puisque le prince des démons est jeté dans les flammes éternelles, et avec lui tous ses suppôts, qui n’ont point voulu se séparer de lui ? Une paix parfaite régnera donc parmi les enfants de Dieu, qui s’aimeront, se verront pleins de Dieu, car Dieu sera tout en tous[2]. C’est donc Dieu que nous verrons tous, Dieu que nous posséderons tous, Dieu qui sera notre paix à tous. Quels que soient ses dons ici-bas, lui seul alors nous tiendra lieu de tout don : il sera pour nous la paix entière et parfaite. Telle est la paix qu’il annonce à son peuple, et la paix que voulait entendre celui qui dit ici : « J’écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu ses paroles de paix sur son peuple et sur ses saints, et sur tous ceux qui tournent vers lui leur cœur[3] ». Courage, mes frères ! Voulez-vous avoir cette paix que vous annonce le Seigneur ? Tournez votre cœur vers lui, non point à moi, non point à cet autre, non point à un homme, quel qu’il soit. Tout homme en effet qui voudra s’attirer les cœurs des hommes, doit périr avec eux. Or, quel est le parti le plus avantageux, ou de tomber avec l’homme vers qui vous tournez vos pensées, ou de vous tenir debout avec l’émule de votre conversion ? Ce n’est qu’en Dieu que nous trouvons notre joie, notre paix, notre repos, la fin de nos chagrins. « Bienheureux ceux u qui tournent leurs cœurs vers vous ».
11. « Toutefois sa grâce qui sauve est près de ceux qui le craignent[4] ». Plusieurs le craignaient jadis dans le peuple juif. Sur toute la terre on adorait des idoles ; on craignait les démons, et non le Seigneur ; les Juifs seuls craignaient Dieu. Mais d’où venait cette crainte ? Dans l’Ancien Testament, on craignait que Dieu ne soumît à la domination des ennemis, qu’il n’enlevât les terres, qu’il ne ravageât les vignes par la grêle, qu’il ne frappât les Épouses de stérilité, qu’il n’enlevât les enfants. Ces promesses charnelles enchaînaient des âmes faibles, et les retenaient dans la crainte de Dieu ; mais lui-même était proche de ceux qui le craignaient pour ces biens. Le païen demandait quelque terre au démon, le juif demandait quelque terre à Dieu ; la demande était la même, et non celui à qui on l’adressait. Le juif demandait ce que le païen demandait, et toutefois il différait du païen, en ce qu’il invoquait celui qui avait tout fait. Et Dieu était proche des Juifs, loin des idolâtres : et néanmoins il jeta les yeux sur ceux qui étaient éloignés, comme sur ceux qui étaient proches, selon ces paroles de l’Apôtre : « Il est venu prêcher la paix à vous qui étiez éloignés, et la paix à ceux qui étaient proches[5] ». Quels sont les proches, selon lui ? Les Juifs, parce qu’ils adoraient un seul Dieu. Selon lui encore, quels étaient les peuples éloignés ? Les Gentils, parce qu’ils avaient abandonné le Créateur pour adorer leurs propres œuvres. Car ce n’est point par les lieux, mais par les affections que l’on s’éloigne de Dieu. Aimes-tu Dieu ? tu es près de lui. Le hais-tu ? tu es éloigné. Dans un même lieu, lu peux être auprès de Dieu, ou loin de lui. Voilà donc, mes frères, ce qu’a vu le Prophète ; bien qu’il ait vu la miséricorde de Dieu s’étendre en général sur tous les hommes, il a compris que Dieu avait pour les Juifs une affection toute particulière, et il s’écrie : « Toutefois, j’écouterai ce que dira en moi le Seigneur Dieu, parce qu’il annoncera la paix à son peuple ». Et son peuple ne sera pas seulement formé du peuple juif, il sera recruté parmi les nations. « Car le Seigneur fera entendre des paroles de paix sur ses fidèles, sur ceux dont le cœur se tourne vers lui », et sur tous ceux qui dans tous les lieux de la terre doivent se convertir à lui de tout leur cœur. « Toutefois son salut est proche de

  1. Rom. 8,10
  2. 1 Cor. 15,28
  3. Ps. 84,9
  4. Ps. 84,10
  5. Eph. 2,17