Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/316

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des puissants s’est élevée contre notre chef, ou contre Notre-Seigneur Jésus-Christ ; et ils ont dit, ils ont crié d’une voix unanime : « Crucifiez-le ! crucifiez[1] ! » C’est d’eux qu’il est écrit : « Pour ces enfants des hommes, les dents sont des armes et des flèches, et leur langue est un glaive effilé[2] ». Ils ne l’ont point frappé ; mais crier, c’était le frapper ; crier, c’était le crucifier. Crucifier le Seigneur, c’était obéir à leurs cris, obéir à leur volonté. « La synagogue des puissants a recherché mon âme ; ils n’ont point arrêté leurs regards sur vous ». Comment n’ont-ils point arrêté leurs regards ? Ils n’ont point compris qu’il était Dieu. Ils eussent épargné l’homme, ils eussent marché selon leur vue. Mais parce qu’il n’était pas un Dieu, qu’il était un homme, fallait-il donc le mettre à mort ? Épargne l’homme, et reconnais un Dieu.
20. « Et vous, Seigneur, Dieu de miséricorde et de clémence, vous êtes plein de patience, de compassion et de vérité[3] ». Pourquoi « plein de longanimité, de compassion, de miséricorde ? » Parce que sur la croix, il s’écrie : « Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font[4] ». À qui adresse-t-il cette prière ? Pour qui ? Qui est-ce qui prie ? En quel endroit ? C’est le Fils qui invoque son Père, le crucifié en faveur des impies, quand on l’injurie, non plus en paroles, mais jusqu’à lui donner la mort, quand il est cloué à la croix ; on dirait que ses mains ne sont ainsi étendues qu’afin de prier pour eux, qu’afin que sa prière s’élevât comme un parfum en présence de son Père, et que ces mains élevées fussent comme un sacrifice du soir[5]. « Vous êtes plein de patience, de miséricorde et de vérité ».
21. Si donc vous êtes la vérité, « Jetez les yeux sur moi, prenez-moi en pitié, et donnez la puissance à votre serviteur[6] ». Parce que vous êtes la vérité, « donnez la puissance à votre serviteur ». Que les jours d’épreuve s’écoulent, et que vienne enfin le temps de juger. Qu’est-ce à dire : « Donnez la puissance à votre serviteur ? » « Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils toute puissance de juger[7] ». C’est lui qui ressuscite, et qui doit venir sur la terre pour juger : il apparaîtra terrible, lui qui a paru méprisable. Il montrera sa puissance, lui qui n’a montré que patience. À la croix, c’était la puissance, au jugement, ce sera la puissance. Au jugement il paraîtra dans son humanité, mais aussi dans sa gloire : « Car il doit venir », ont dit les Anges, « tel que vous l’avez vu s’élever[8] ». C’est dans la forme de l’homme qu’il viendra pour le jugement, aussi sera-t-il vu des impies qui ne pourront voir la forme divine. Car « bienheureux ceux dont le cœur est pur, parce qu’ils verront Dieu[9] ». C’est sous la forme de l’homme qu’il apparaîtra pour dire « Allez au feu éternel[10] » ; afin que cet oracle d’Isaïe soit accompli : « Enlevez l’impie, afin qu’il ne voie point la clarté du Seigneur[11][12] ». Qu’il disparaisse afin qu’il ne voie point la forme de Dieu. Ils verront donc la forme de l’homme, mais ils ne verront point « cette forme divine qui le rend égal à Dieu[13] ». « Ce Verbe qui était au commencement, Verbe qui était en Dieu, Verbe qui était Dieu[14] » : voilà ce que les impies ne verront point. Car si le Verbe est Dieu, et si « bienheureux les cœurs purs parce qu’ils verront Dieu[15] », comme les impies ont le cœur souillé, assurément ils ne verront pas Dieu. Comment donc « verront-ils Celui qu’ils ont percé[16] », sinon qu’il apparaîtra visiblement sous la forme humaine pour ceux qui seront jugés, et sous la forme d’un Dieu pour ceux-là seulement qui seront séparés à sa droite ? Quand en effet ils seront placés à droite, il leur sera dit : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde ». Et que sera-t-il dit aux impies de la gauche ? « Allez dans le feu éternel, que mon Père a préparé au diable et à ses anges ». Or, après le jugement, quelle est la conclusion de l’Évangile ? « Ainsi », dit-il, « les impies iront au brasier sans fin, et les justes à la vie éternelle[17] ». Ils passeront, ainsi, de la vision de la forme de l’homme, à la vue de la forme divine. « Or », est-il dit, « c’est en ceci que consiste la vie éternelle ; à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu, et Jésus-Christ que vous avez envoyé[18] » ; c’est-à-dire que lui aussi est le seul vrai Dieu. Car le Père et le Fils sont un seul vrai Dieu : et alors le sens serait, afin qu’ils reconnaissent pour vrai Dieu et vous et Jésus-Christ que vous avez envoyé.

  1. Jn. 19,6
  2. Ps. 56,5
  3. Ps. 85, 15
  4. Lc. 23,34
  5. Ps. 140,2
  6. Id. 80,16
  7. Jn. 5,22
  8. Act. 1,11
  9. Mt. 5,8
  10. Id. 25,41
  11. Isa. 26,10
  12. selon les LXX
  13. Phil. 2,6
  14. Jn. 1,1
  15. Mt. 5,8
  16. Jn. 19,37
  17. Mt. 25,34.41-46
  18. Jn. 17,3