Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/318

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salutaire. Qu’ils soient donc confondus dès cette vie, qu’ils répudient leurs voies coupables pour marcher dans la voie de la sainteté : car nul d’entre nous ne peut vivre sans confusion, à moins qu’une première confusion ne le fasse renaître. Dieu leur offre maintenant l’occasion d’une confusion salutaire, s’ils ne dédaignent point le remède de l’aveu. Mais s’ils répudient la confusion aujourd’hui, ils n’échapperont point à la confusion, quand leurs crimes s’élèveront pour les accuser[1]. Comment seront-ils confondus ? ils diront alors : « Voilà donc ceux que nous avons u tournés en dérision, qui essuyaient nos outrages. Insensés, nous regardions leur vie comme une folie, comment sont-ils rangés parmi les enfants de Dieu ? À quoi nous revient notre orgueil[2] ? » Voilà ce qu’ils diront ; que ne disent-ils maintenant ce qu’ils diraient avec fruit ? Que chacun se retourne vers Dieu avec humilité, et dise maintenant : De quoi nous sert notre orgueil ? Qu’il exécute cette parole de l’Apôtre : « Quelle gloire vous revient-il de ces œuvres qui vous font rougir maintenant[3] ? » Vous le voyez donc : ici-bas, une confusion salutaire nous tient lieu de pénitence, mais alors, elle sera tardive, inutile et sans fruit. « De quoi nous sert notre orgueil ? Que nous a valu l’étalage de nos richesses ? Tout a passé comme l’ombre[4] ». Eh ! quoi donc ? Pendant ta vie sur la terre, tu ne voyais donc point tout cela passer comme une ombre ? Tu eusses quitté l’ombre pour être dans la lumière ; et tu ne dirais point : « Tout s’est évanoui comme une ombre », alors que tu vas passer de l’ombre aux ténèbres. « Donnez-moi un signe de votre faveur, afin que mes ennemis le voient et soient dans la confusion ».
24. « Car vous, Seigneur, m’avez aidé et m’avez consolé[5] ». « Vous m’avez aidé » dans le combat, « et vous m’avez consolé » dans ma tristesse. Nul ne recherche la consolation, s’il n’est dans la misère. Refusez-vous la consolation ? Dites que vous êtes heureux. Mais vous entendez cette parole : « Mon peuple », (déjà vous me répondez, et votre murmure que j’entends, me prouve que vous connaissez les saintes Écritures. Que ce même Dieu qui l’a gravée dans vos cœurs, la fasse paraître dans vos actions. Vous le voyez donc, c’est vous tromper que vous appeler heureux) « Mon peuple, ils vous appellent heureux, et ils vous jettent dans l’erreur, ils ruinent le sentier où vous marchez[6] ». Tel est encore l’avis de saint Jacques, dans son épître : « Soyez dans l’affliction et dans les larmes, que vos ris se changent en deuil[7] ». Vous voyez comment vous parle cet apôtre : comment nous tiendrait-il ce langage dans la sécurité ? Ce monde est une terre de scandales, d’afflictions et de grands maux : c’est ici que nous devons gémir afin de nous réjouir dans le ciel ; ici l’épreuve, là-haut la consolation, alors que nous dirons : « Parce que vous avez épargné les larmes à nos yeux, et la chute à nos pieds, voilà que je mettrai mes délices dans le Seigneur, en la terre des vivants[8] ». Or, la terre est le séjour des morts, ce séjour des morts passera, et alors viendra la région des vivants. Dans ce séjour des morts, il n’y a que travail, que douleur, que crainte, que tribulation, qu’épreuve, que gémissements, que soupirs. Il n’y a que fausse félicité, que véritable misère, car une félicité trompeuse, est une misère véritable. Mais quiconque reconnaît qu’il est ici dans une misère véritable, sera dans la vraie félicité. Et néanmoins parce que tu es dans l’affliction, écoute la parole du Seigneur : « Bienheureux ceux qui pleurent[9] », Eh quoi ! « Bienheureux ceux qui pleurent ! » Rien n’est plus près de la misère que les larmes ; rien n’en est plus éloigné que le bonheur ; et vous dites qu’ils pleurent, et vous les appelez bienheureux ! Comprenez bien mes paroles, nous dit-il, j’appelle bien heureux ceux qui pleurent. Comment bienheureux ? En espérance. Comment pleurent-ils ? En réalité. Ils pleurent dans cette vie mortelle, dans ces tribulations, dans cet exil ; et comme ils reconnaissent qu’ils sont dans ces misères, ils en gémissent, et ils sont bienheureux. Pourquoi pleurer dès lors ? Le bienheureux Cyprien fut contristé dans sa passion, aujourd’hui il a les consolations et une couronne de gloire. Et toutefois, dans ces consolations, il ressent de la tristesse : car Notre-Seigneur Jésus-Christ prie encore pour nous[10] : or, tous les martyrs qui sont avec lui, interviennent en notre faveur. Leurs prières ne doivent cesser, que quand cesseront nos gémissements. Or, quand cesseront nos gémissements, nous

  1. Sag. 4,20
  2. Id. 5,3-6
  3. Rom. 6,21
  4. Sag. 5,3-9
  5. Ps. 85,17
  6. Isa. 3,12
  7. Jac. 4,9
  8. Ps. 114,8-9
  9. Mt. 5,5
  10. Rom. 8,34