Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/346

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préceptes ; s’ils profanent ma justice et transgressent mes commandements : la verge à la main, je visiterai leurs iniquités, je frapperai leurs péchés, mais je ne retirerai point de lui totalement ma miséricorde, je ne profanerai point mon alliance, et ne rendrai point vaine la parole sortie de mes lèvres ». Dieu nous donne là de solides garanties de ses promesses. Or, les fils de ce David sont les fils de l’Époux ; tous les chrétiens sont donc ses enfants. Cette promesse que Dieu fait ici est donc considérable : que « si les chrétiens », c’est-à-dire ses fils, « abandonnent ma loi », dit-il, « s’ils ne marchent point dans mes préceptes, s’ils profanent ma justice et transgressent mes commandements[1] » : je ne les traiterai point avec dédain, et ne les abandonnerai point à la perdition : mais que ferai-je alors ? « La verge à la main je visiterai leurs iniquités, je frapperai leurs péchés ». Dieu donc met sa miséricorde, non seulement à nous appeler, mais encore à nous frapper, à nous châtier. Que sa main paternelle soit donc sur toi, et si tu es un bon fils, ne rejette point la discipline. Quel est l’enfant que son père ne châtie point ? Qu’il frappe donc, mais qu’il ne nous refuse pas sa miséricorde, qu’il réduise nos rébellions, pourvu qu’il nous admette à son héritage. Pour toi, si tu comprends bien la promesse de ton Père, ne crains point d’être châtié, mais d’être exclu de l’héritage. Car le Seigneur corrige celui qu’il aime ; il châtie celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants[2]. Un fils pécheur refuserait-il d’être châtié quand il voit flageller le Fils unique et sans péché ? « La verge à la main », dit donc le Seigneur, « je visiterai vos iniquités ». Telle est encore la menace de saint Paul : « Que voulez-vous ? Dois-je venir la verge à la main[3] ? » A Dieu ne plaise que des fils dévoués répondent : Si vous devez venir la verge à la main, ne venez point ! Il vaut mieux s’instruire par la main d’un père qui châtie, que d’être la proie d’un séducteur qui vous flatte.
3. « La verge à la main », dit le Seigneur, « je visiterai leurs iniquités, et je frapperai leurs péchés, mais je ne retirerai point de lui totalement ma miséricorde[4] ». De qui ? De ce même David à qui j’ai fait de telles promesses, que j’ai oint de mon huile sainte plus que tous ceux qui partagent sa gloire[5]. Connaissez-vous celui à qui Dieu ne retirera point sa miséricorde ? Que nul dans sa crainte aie vienne dire : Puisque c’est du Christ que le Seigneur promet de ne point retirer sa miséricorde, que deviendront les pécheurs ? Le Seigneur a-t-il donc promis qu’il ne leur retirerait point sa miséricorde ? « La verge à la main », dit-il, « je visiterai leurs iniquités, et je frapperai leurs péchés ». Tu attendais, pour te rassurer, qu’il dit : « Mais je ne leur retirerai point ma miséricorde ». Il est vrai qu’on le trouve dans quelques exemplaires, mais non dans les plus corrects : et même quand on le trouve, le sens n’en est pas changé. Comment est-ce en effet que Dieu ne retire point sa miséricorde à son Christ ? Ce Sauveur de tout son corps a-t-il commis quelque faute dans le ciel ou sur la terre, lui qui est assis à la droite de Dieu, intercédant pour nous[6] ? Et pourtant c’est du Christ qu’il ne la retire point, mais du Christ dans ses membres et dans son corps, qui est l’Église. Le Prophète nous donne en effet comme importante la promesse de ne point retirer de lui sa miséricorde, comme si nous ne connaissions point le Fils unique qui est dans le sein de son Père : car ce n’est point comme un homme qu’il nous faut le regarder ici, mais il n’est qu’une seule personne, qui est l’Homme-Dieu. Il ne retire donc point de lui sa miséricorde, puisqu’il ne la retire point de son corps ni de ses membres ; qu’il souffre en eux persécution sur la terre, quoiqu’il soit dans le ciel. C’était du ciel qu’il criait : « Saul, Saul », non point : Pourquoi persécuter mes serviteurs ; non : Pourquoi persécuter mes saints ; non : Pourquoi persécuter mes disciples ; mais : « Pourquoi me persécuter[7] ? » Comme donc, étant assis dans le ciel où nul sans doute ne le persécute, il s’écria : « Pourquoi me persécuter ? » parce que la tête alors ne désavouait point ses membres, et que la charité ne séparait point la tête du reste du corps : ainsi ne point retirer de lui sa miséricorde, c’est ne point la retirer de nous qui sommes son corps et ses membres. Toutefois il ne faut pas nous en prévaloir, pour pécher sans crainte, et pour nous promettre témérairement de ne point périr, quoi que nous fassions. Il est en effet certains péchés, certaines iniquités, au sujet desquels il nous est impossible de rien dire, de rien affirmer ; et la chose fût-elle possible,

  1. Ps. 87,31-32
  2. Héb. 3,5-7
  3. 1 Cor. 4,21
  4. Ps. 88,33-34
  5. Id. 44,8
  6. Rom. 8,34
  7. Act. 9,4