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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/386

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éternelle, il ne craindra point la parole fâcheuse[1] ». Quelle parole fâcheuse ? Allez au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. « Et mon oreille entendra les malédictions de ceux qui s’élèvent contre moi ».
13. L’herbe passe ; la fleur des pécheurs passe aussi. Que deviendront les justes ? « Le juste fleurira comme le palmier ». Les premiers s’élèvent comme l’herbe ; « le juste fleurira comme le palmier ». Le palmier marque l’élévation. Peut-être le Prophète a-t-il voulu nous parler du sommet du palmier qui est très beau ; à partir de la terre, sa fin sera son sommet, où est toute sa beauté ; sa racine est âpre sur la terre, mais sa tête est belle dans les cieux. Telle sera donc ta beauté à la fin du monde. Que ta racine soit fortement fixée. Mais pour nous, la racine est en haut, car cette racine est le Christ qui est monté aux cieux. Il a été humilié, et il est élevé. « Il se multipliera comme le cèdre sur le Liban ». Voyez quels arbres choisit le Prophète : « C’est le juste qui fleurit comme le palmier, qui se multiplie comme le cèdre sur le Liban[2] ». Le palmier sèche-t-il sous les feux du soleil ? Le cèdre sèche-t-il ? Et pourtant les ardeurs du soleil font sécher l’herbe. Viendra donc le jugement, qui fera sécher les pécheurs, et verdir les fidèles. « Il se multipliera comme le cèdre sur le Liban ».
14. « Plantés dans la maison du Seigneur, ils fleuriront à l’entrée de la demeure de Dieu. Ils se multiplieront dans une féconde vieillesse, et ils seront tranquilles pour annoncer[3] ». Tel est le sabbat dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui fait le titre du psaume. « Ils seront tranquilles pour annoncer ». Pourquoi ce calme en annonçant ? L’herbe des pécheurs ne pourra les ébranler. Ni le cèdre ni le palmier, ne se courbent dans la tempête. Qu’ils soient donc tranquilles pour annoncer ; puisqu’il faut Prêcher au milieu du persiflage des hommes. Infortunés, qui êtes épris du monde, les justes plantés dans la maison du Seigneur, vous prêchent la vérité ; eux qui confessent le Seigneur dans leurs cantiques et sur la harpe, dans la parole et dans les œuvres, vous prêchent et vous disent : Ne vous laissez point séduire par la félicité des méchants, ne vous arrêtez point à la fleur d’une herbe ; ne portez pas envie à ces heureux d’un moment, qui seront malheureux dans l’éternité. Cette félicité qui paraît maintenant au-dehors, n’est point réelle ; ils n’ont point la paix du cœur, eux qu’aiguillonne une mauvaise conscience. Pour toi, demeure en paix, comptant sur les promesses de ton Dieu. Qu’auras-tu à prêcher dans le calme ? « Que le Seigneur est droit, qu’il n’y a en lui aucune iniquité ». Voyez, mes frères, si vous voulez être plantés dans la maison du Seigneur, si vous voulez fleurir comme le palmier, vous multiplier comme le cèdre du Liban, afin de ne point vous dessécher sous les feux du soleil, comme ceux qui périssent avec éclat quand le soleil est loin de nous. Si donc vous ne voulez point être une herbe, mais bien des palmiers et des cèdres, qu’annoncerez-vous ? « Que le Seigneur Dieu est juste ; et qu’en lui il n’y a point d’iniquité ». Comment n’y a-t-il en lui aucune iniquité ? Voilà un homme si criminel, et pourtant il a ta santé, il a des enfants, il a la gloire, il a des honneurs, il se venge de ses ennemis, il commet toutes sortes de crimes : cet autre au contraire est intègre dans ses affaires ; il ne ravit point le bien d’autrui, il n’agit contre personne, il souffre dans les chaînes, dans les prisons, il souffre et soupire dans la misère. Comment donc n’y a-t-il en Dieu aucune injustice ? Du calme, et tu le comprendras. Car tu es dans le trouble, et tu obscurcis la lumière dans ton intérieur. Dieu, qui est éternel, veut laisser tomber sur toi ses rayons ; garde-toi de les obscurcir par aucun trouble ; demeure dans le calme, et écoute ma parole. Parce que Dieu est éternel et qu’il pardonne aux méchants pour les amener à la pénitence, parce qu’il flagelle les bons, pour les amener au royaume des cieux, « il n’y a point en lui d’injustice », sois sans crainte. Mais, diras-tu, j’ai subi tant de châtiments, chacun le sait, je suis pécheur, je l’avoue, je suis loin de me croire juste. Voilà ce que disent la plupart des hommes. Qu’un homme soit dans l’affliction, dans la douleur, tu vas le consoler, et il te répond : J’ai péché, je l’avoue, mes fautes sont grandes, je le reconnais ; mais suis-je aussi coupable que cet autre ? Je sais ce qu’il a fait, je connais ses fautes : j’ai péché, j’en conviens devant Dieu ; mais je suis moins coupable que cet autre qui souffre moins que moi. Sois sans trouble et dans le calme, afin de savoir « que le Seigneur est juste, et qu’en lui il n’y a point d’iniquité ». Que dirais-tu,

  1. Ps. 111,7
  2. Id. 13
  3. Id. 14-16