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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/388

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celui qui est nu, c’est une bonne œuvre, mais cette bonne œuvre subsistera-t-elle toujours ? Elle est quelque peu pénible ; mais elle nous console, par l’espérance du repos à venir. Et pourtant quelle peine y a-t-il à vêtir un pauvre ? Une bonne œuvre est presque sans peine, le mal est plus laborieux. Vêtir un pauvre quand on peut le faire, n’est guère pénible ; si on ne le peut : « Gloire à Dieu au plus « haut des cieux, et paix sur la terre aux a hommes de bonne volonté[1] ». mais dépouiller celui qui est vêtu, qui pourra nous en dire la peine ? Et pourtant tout cela doit passer quand nous arriverons à ce repos, où il n’y aura ni affamé à nourrir, ni pauvre à revêtir. Toutes ces bonnes œuvres passeront donc, et ce sixième jour pendant lequel on fait ces œuvres excellentes, a un soir. Or, au jour du repos, il n’y aura aucun soir, puisque notre repos sera sans fin. Comme donc ce fut au sixième jour que Dieu fit l’homme à son image[2] ; ainsi trouvons-nous que ce fut au sixième âge que Notre-Seigneur Jésus-Christ vint reformer l’homme à l’image de Dieu. Le premier âge, en effet, marqué par le premier jour, serait depuis Adam jusqu’à Noé ; le second âge, qui serait comme un second jour, depuis Noé jusqu’à Abraham ; le troisième âge, ou troisième jour, depuis Abraham jusqu’à David ; le quatrième âge, ou quatrième jour, depuis David jusqu’à la transmigration à Babylone ; le cinquième âge, ou cinquième jour, depuis la transmigration à Babylone jusqu’à la prédication de Jean-Baptiste ; et le sixième jour, depuis la prédication de Jean-Baptiste jusqu’à la fin, et à la fin du sixième jour arrivera le repos. Nous sommes donc maintenant dans ce sixième jour. Si nous sommes dans ce sixième jour, voyez le titre du psaume : « Pour le jour qui précéda le sabbat, quand la terre fut fondée ». Examinons le psaume lui-même, et voyons quand la terre fut fondée, car elle ne le fut point peut-être ce jour-là. Ce n’est point en effet ce que nous lisons dans la Genèse. Quand donc la terre fut-elle fondée ? Quand, sinon, comme nous l’avons lu tout à l’heure dans l’Apôtre : « Si vous demeurez dans la foi, fermes et inébranlables[3] ». Lorsque dans toute la terre, tous les fidèles sont inébranlables dans la foi, c’est alors que la terre est fondée, que l’homme est fait à l’image de Dieu[4] ; ce que nous figurait le sixième jour de la Genèse. Mais comment Dieu a-t-il fait cette œuvre, comment a-t-il fondé la terre ? Le Christ est venu afin de fonder la terre. « Car nul ne saurait poser un fondement autre que celui qui a été posé, qui est le Christ Jésus[5] ». C’est donc de Jésus-Christ que le psaume va parler.
2. « Le Seigneur a régné, il s’est couvert de gloire ; le Seigneur s’est revêtu de force, et il s’est ceint[6] ». Il a donc pris pour double vêtement la gloire et la force. Pourquoi s’en revêtir pour fonder la terre ? Car le Psalmiste continue : « Il a consolidé la terre qui ne sera point ébranlée ». Comment l’a-t-il consolidée ? En se revêtant de gloire. Mais il ne la consoliderait point s’il ne s’était revêtu de force en même temps que de gloire. Pourquoi donc la gloire, et pourquoi la force ? Car le Prophète a précisé l’un et l’autre : « Le Seigneur a régné, il s’est revêtu de gloire ; le Seigneur s’est revêtu de force et a ceint ses reins ». Vous le savez, mes frères, Notre-Seigneur, venant dans sa chair et prêchant l’Évangile du royaume, plaisait aux uns, déplaisait aux autres. Car les Juifs étaient partagés à son sujet : « Les uns disaient : Il est bon ; les autres : Non, il séduit la foule[7] ». Les uns parlaient donc de lui en bien, les autres en parlaient mal, le déchiraient, le mordaient, le noircissaient de leurs outrages. Il était donc revêtu de beauté pour ceux auxquels il plaisait, et de force pour ceux auxquels il ne plaisait point. Prends donc, toi aussi, le Seigneur pour modèle, afin que tu deviennes pour lui un vêtement. Sois revêtu de beauté pour ceux auxquels plairont tes bonnes œuvres, et sois fort contre tes détracteurs. Écoute comment Paul, cet imitateur du Christ, eut de la beauté, comment de la force : « Nous « sommes », dit-il, « la bonne odeur du Christ, en tout lieu, et pour ceux qui font leur salut et pour ceux qui périssent[8] ? » Ceux qui goûtent le bien, se sauvent ; les détracteurs du bien doivent périr. Autant qu’il était en lui, Paul était le parfum du bien, il était même la bonne odeur. Malheur à ces misérables que la bonne odeur fait mourir. Car l’Apôtre n’a point dit : Nous sommes une bonne odeur pour les uns, une mauvaise odeur pour les

  1. Id. 2,14
  2. Gen. 1,26
  3. 1 Cor. 15,58
  4. Gen. 1,26
  5. 1 Cor. 3,11
  6. Ps. 92,1
  7. Jn. 6,12
  8. 2 Cor. 2,15