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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/391

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qu’a-t-il pour signe ? « Que celui qui invoque le nom du Seigneur, s’éloigne de l’iniquité ». Qu’il s’éloigne maintenant de l’iniquité, puisqu’il ne peut se séparer des injustes, à cause du mélange de la paille et du froment, jusqu’au vannage. Que dis-je, mes frères ? Chose étonnante de la part du froment dans l’aire ! il se sépare de la paille quand on l’en dépouille, mais lorsqu’on le bat, il ne s’en va point de la grange. Quand se séparera-t-il tout à fait ? Quand viendra le vanneur[1]. L’univers entier est donc une aire : il faut, quelque bon que tu sois, que tu vives parmi les méchants ; mais si tu ne peux te séparer des hommes injustes, sépare-toi de l’injustice. « Que tout homme qui invoque le nom du « Seigneur se sépare de l’iniquité », et il sera dans cet univers qui est inébranlable.
6. « C’est de là, ô mon Dieu, qu’un trône vous ma été préparé[2] ». « De là », qu’est-ce à dire ? De ce moment : comme si le Prophète nous disait : Qu’est-ce que le trône de Dieu ? où s’assied-il ? En ses saints. Veux-tu être pour Dieu un trône ? Prépare-lui dans ton cœur un lieu où il s’asseye. Quel est en effet le siège de Dieu, sinon l’endroit qu’habite le Seigneur ? Et où habite le Seigneur, sinon dans son temple ? Et quel est ce temple ? se compose-t-il de murailles ? Loin de nous cette pensée Son temple est peut-être ce monde, qui est vaste et digne de la grandeur de Dieu ? Il ne saurait contenir celui qui l’a fait, où donc Dieu se repose-t-il ? L’âme calme, l’âme juste, voilà celle qui porte Dieu. Chose étrange, mes frères ! Dieu est infiniment grand, il pèse à ceux qui sont forts, il est pour les faibles un léger fardeau. Quels sont ces forts du Prophète ? Les orgueilleux qui ont confiance dans leurs forces. Et cette faiblesse, qui consiste dans l’humilité, est une force plus grande. Écoute ce que dit l’Apôtre : « Quand « je suis faible, c’est alors que je suis fort[3] » Voilà ce que je vous ai prêché, que le Seigneur s’est revêtu de force, quand il a enseigné l’humilité. Tel est donc ce siège de Dieu dont un Prophète nous a dit ailleurs : « En qui reposera mon esprit ? » C’est-à-dire, où mon esprit pourra-t-il reposer, sinon sur le trône de Dieu ? Écoute la description qu’il fait de ce trône. Tu t’imaginais peut-être un palais de marbre, d’amples parvis, une hauteur démesurée, des toits étincelants. Écoute ce que le Seigneur se prépare : « Sur qui reposera mon esprit ? Sur l’homme humble et calme, sur l’homme qui redoute ma parole[4] ». Es-tu humble ? Es-tu tranquille ? voilà que Dieu repose en toi. Mais Dieu, qui est élevé, n’habitera pas en toi si tu veux t’élever. Tu veux être grand afin qu’il habite en toi ; sois humble, redoute sa parole, c’est là qu’il habite. Il ne craint point une demeure tremblante, parce que lui-même la consolide. « C’est depuis lors, ô Dieu, qu’un trône vous est préparé ». « Depuis lors », c’est-à-dire depuis ce moment, ce qui semble préciser un temps particulier. Depuis ce temps, quel temps ? Peut-être le jour qui précéda le sabbat. Dès lors, le titre nous dirait alors quel jour. Ce serait le sixième jour, ou le sixième âge du monde, alors que le Seigneur vint en sa chair. C’est de ce jour, oui de ce jour, qu’il s’est fait homme, et qu’il est sorti du sein virginal. Que lisons-nous dans un autre psaume ? « Vous êtes dans la splendeur des saints, dès les entrailles maternelles ». « Dans la splendeur des saints », c’est-à-dire que vous éclairez les saints afin qu’ils voient Dieu en sa chair, et que leur cœur se purifie afin qu’ils le voient dans sa divinité. « Dans la splendeur des saints, dès les entrailles maternelles ». Mais que dit ensuite le Prophète ? Afin que l’on ne s’imagine point que le Christ n’a commencé son existence qu’au sortir du sein virginal, il ajoute : « Je t’ai engendré avant l’étoile du matin[5] ». Ainsi, après avoir dit : « Dans la splendeur des saints, dès les entrailles maternelles », le Prophète craint que l’on ne vienne à penser que le Christ a commencé au moment de sa naissance, comme Adam, comme Abraham, comme David, et il ajoute : « Avant l’étoile du matin, je t’ai engendré » ; avant tout ce qui est éclairé. L’étoile du matin, en effet, signifie toutes les étoiles, et par les étoiles tous les temps, puisque Dieu a fait les astres pour marquer les temps[6], en sorte que Jésus-Christ serait né avant tous les temps : or, celui qui est né avant tous les temps ne peut être regardé comme un homme né dans les temps, puisque le temps est la créature de Dieu, Car si tout a été fait par lui[7], le temps aussi est son ouvrage. Peut-être encore : « avant l’étoile du matin », signifierait-il aussi, avant tout esprit qu’éclaire la sagesse de Dieu. Que votre charité

  1. Mt. 3,12
  2. Ps. 92,2
  3. 2 Cor. 12,10
  4. Isa. 66,2
  5. Ps. 109,3
  6. Gen. 1,14
  7. Jn. 1,3