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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/52

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DISCOURS SUR LE PSAUME 64

SERMON AU PEUPLE.

LA DÉLIVRANCE.

Ézéchiel et Jérémie chantent le retour de Babylone à Jérusalem, d’où le crime du Calvaire a de nouveau banni les Juifs. Babylone ou confusion est la ville de Caïn, Jérusalem ou vision de la paie est la ville d’Abel. Ces deux cités mélangées ici-bas seront séparées par Dieu au jugement, Jérusalem à sa droite, Babylone à sa gauche. Nous sommes de Babylone par l’amour du monde, et de Jérusalem par l’amour de Dieu. – Ce Psaume est pour ceux qui commencent à sortir de Babylone, ou à aimer Dieu, à chanter Jérusalem, à l’habiter par le cœur. Ici-bas, quand nous soupirons après Jérusalem, la chair résiste, mais la mort sera détruite et la charité fera de nous un holocauste. Toute chair ou tons les hommes viendront au Seigneur ; on leur a prêché l’idolâtrie, mais Dieu leur remettra leurs fautes par l’expiation du Calvaire, dont l’effet est figuré par l’entrée du grand prêtre seul dans le Saint des Saints, figure demeurée incomprise pour les Juifs incrédules. Bienheureux au contraire les hommes unis à Dieu par l’incarnation. Dieu leur donnera dans sa maison le spectacle de la justice. C’est le Christ qui doit nous exaucer, lui l’espoir de la terre et non d’une partie, l’espoir de la mer ou du monde, où il nous prend dans ses filets. Soyons les bons poissons. Dieu prépare les montagnes ou les apôtres, trouble le fond des mers, ou les cœurs impies, les amène au bien. Le monde révolté est vaincu. Dieu visite la terre, l’arrose, laisse croître l’ivraie jusqu’à la moisson, féconde le désert, multiplie le bercail. L’hymne de joie.


1. Le titre du psaume nous fait connaître ici la voix d’une sainte prophétie. Voici cette inscription : « Pour la fin, psaume de David, cantique de Jérémie et d’Ézéchiel au nom du peuple de la captivité, au moment du retour[1] ». Tous ne savent point ce qui se passa chez nos pères au temps de la captivité de Babylone, mais ceux-là seulement qui ont écouté ou lu avec soin les saintes Écritures, Le peuple d’Israël fut donc captif, emmené de Jérusalem, et réduit en servitude à Babylone[2]. Mais le saint prophète Jérémie annonça que ce peuple reviendrait de cette captivité, après soixante et dix années, qu’il rebâtirait cette même cité de Jérusalem, dont il avait pleuré la dévastation par ses ennemis[3]. Or, en ce même temps il y avait, parmi ce peuple captif à Babylone, des Prophètes, et entre autres le prophète Ézéchiel. Ce peuple donc attendait que fussent accomplies les soixante-dix années, selon la prophétie de Jérémie. Il arriva, qu’après ces soixante-dix années, le temple se releva de ses ruines, et une grande partie de ce peuple revint de la captivité. Mais comme l’Apôtre a dit : « Toutes ces choses qui leur arrivaient étaient des figures ; elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui vivons à la fin des temps[4] », nous devons connaître d’abord ce qui est pour nous la captivité, ensuite la délivrance ; nous devons connaître Babylone, dans laquelle nous sommes captifs, et Jérusalem, où nous aspirons à retourner. Ces deux cités sont réellement et littéralement deux cités. Cette Jérusalem, à la vérité, n’est plus habitée par les Juifs. Après la mort du Sauveur Sur la croix, ce crime fut vengé par de grands fléaux ; arrachés de ce lieu, où leur fureur insolente, leur délire impie avait éclaté contre leur médecin, ils furent dispersés parmi les nations, et leur terre échut aux chrétiens : alors s’accomplit ce que leur avait dit le Seigneur : « C’est pourquoi le royaume de Dieu vous sera enlevé, et donné à un peuple pratiquant la justice[5] ». En voyant des foules si nombreuses à la suite du Seigneur qui prêchait le royaume des cieux, et qui faisait des miracles, les princes de cette cité s’écrièrent : « Si nous le laissons ainsi, chacun le suivra, et les Romains viendront et nous extermineront nous et notre ville[6] ». Afin de ne point perdre la ville, ils mirent à mort le Seigneur, et ils la perdirent précisément à cause de cette mort. Donc cette cité de la terre était la figure d’une cité éternelle dans le ciel : mais dès que fut prêchée au grand jour la cité ainsi figurée, celle qui en était l’ombre fut rejetée : aussi n’y voit-on plus aujourd’hui

  1. Ps. 64,1
  2. 2 R. 24,14
  3. Jer. 29,10-11
  4. 1 Cor. 10,11
  5. Mt. 21,43
  6. Jn. 11,48