Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/520

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la plus élevée, qui obtient le plus haut rang ; qu’il n’y a que les bons pour y arriver ; que les méchants n’y ont aucune part ; qu’ils peuvent avoir part au baptême, avoir part aux autres sacrements, avoir part aux prières publiques, être dans les murailles de l’Église, et dans l’unité extérieure, mais qu’ils n’ont point de part avec nous dans la charité. Telle est la source de tous les biens, la source propre aux saints, et dont il est dit : « Que nul étranger n’ait part avec toi[1] ». Quels sont les étrangers ? tous ceux qui entendent : « Je ne vous connais point ». Puisqu’on ne les connaît point, puisqu’on leur dit : « Je ne sais qui vous êtes », ils sont bien des étrangers. La voie suréminente de la charité est donc proprement pour ceux qui appartiennent au royaume des cieux. Donc le précepte de la charité domine les cieux, domine tous les livres ; puisque les livres lui sont subordonnés, puisque c’est pour elle que combat toute langue des saints, tout mouvement des dispensateurs de Dieu, soit de l’intérieur, soit de l’extérieur. C’est donc là une voie suréminente, et c’est avec raison que Dieu couvre d’eau les hauteurs du ciel ; car, dans les livres saints, on ne trouve rien de supérieur à la charité.
10. Mais écoute plus clairement encore ce qu’est l’eau. Nous avons dit que la charité est répandue dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné[2]. Nous avons dit encore : « Que les eaux coulent dans nos rues[3] ». Mais, me dira quelqu’un, rien ne dit qu’il faut entendre par là la charité : et s’il plaisait à un autre d’y assigner un autre sens ? Souviens-toi seulement de cette parole de l’Apôtre. « La charité est répandue dans nos cœurs ». Comment ? « Par l’Esprit-Saint, qui nous a été donné ». Écoute maintenant le Maître des Apôtres : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et qu’il boive ». Qu’il poursuive encore : « Si quelqu’un croit en moi, des fleuves d’eau vive jailliront de ses entrailles ». Qu’est-ce à dire ? Que l’Évangéliste nous l’explique « Or, il parlait ainsi de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui : car l’Esprit-Saint n’était pas encore envoyé, parce que Jésus n’était pas encore glorifié ». Donc, mes frères, si l’Esprit-Saint n’était pas encore envoyé, après qu’il fut glorifié par son ascension au ciel, le Saint-Esprit fut envoyé[4], et les Apôtres furent remplis de cette charité[5], qui fut répandue dans leurs cœurs par l’Esprit–Saint qui leur était donné, parce que les hauteurs des cieux sont couvertes d’eau. Et cela est marqué par l’ascension du Sauveur, qui dut dominer les cieux, et de là répandre la charité. Pour Dieu, en effet, couvrir n’est pas être soutenu par ce qu’il couvre ; il soutient lui-même ce qu’il couvre sans le surcharger : si donc il couvre d’eau les cieux, c’est plutôt de manière qu’ils soient soutenus par l’Esprit-Saint. Ce qui soutient est en haut, ce qui est soutenu est en bas ; l’un suspend, l’autre est suspendu. Si donc l’un suspend, si l’autre est suspendu, écoute bien que le ciel des Écritures est suspendu à la charité. Il y a en effet deux préceptes de la charité qui sont très connus : « A ces deux préceptes sont suspendus la loi et les Prophètes[6]. Or, le Seigneur couvre d’eau ses hauteurs ».
11. « Il se fait des nuées une échelle ». On peut très bien l’entendre à la lettre. Le Seigneur est monté visiblement au ciel. Comment les nuées lui ont-elles servi d’échelle ? « Quand il parlait ainsi, une nuée le reçut[7] ». C’est encore ce qui doit arriver à notre résurrection : « Et ceux », dit l’Apôtre, « qui sont morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers ; ensuite nous qui sommes en vie, nous u serons enlevés avec eux sur les nuées, pour aller dans les airs au-devant du Christ ; et ainsi nous serons éternellement avec lui[8] ». Voyez les nuées qui sont l’échelle du ciel : je vais vous montrer aussi dans ces nuées l’échelle de cet autre ciel, ou des saintes Écritures. Qu’est-ce à dire, mes frères ? Puisse le Seigneur mon Dieu me mettre au nombre de ces nuées, quelles qu’elles soient. Il sait que je suis une nuée ténébreuse ; et cependant regardez comme des nuées tous les prédicateurs de la vérité. Quiconque est assez infirme pour ne point monter à ce ciel, c’est-à-dire à l’intelligence des saintes Écritures, doit y monter par ces nuées. C’est peut-être ce qui nous arrive à ce moment ; si je dis quelque chose d’utile, si mon travail n’est point inutile pour vous, vous montez au ciel des divines Écritures, ou plutôt vous arrivez à les comprendre, au moyen de ma prédication. Combien était haut le ciel de

  1. Prov. 6,7
  2. Rom. 5,5
  3. Prov. 5,16
  4. Jn. 7,37-39
  5. Act. 2,4
  6. Mt. 22,40
  7. Act. 1,9
  8. 1 Thes. 4,15-16