Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/524

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16. Mais quel sens leur donnerons-nous dans l’Église ? Dans quel sens dirons-nous que « Dieu prend des esprits pour ses messagers, et des feux ardents pour ses ministres ? » Par ces esprits il faut entendre ceux qui sont spirituels. Or, Dieu se sert de ceux qui sont spirituels, pour en faire ses messagers. « Car l’homme spirituel juge de tout, et ne subit le jugement de personne[1] ». Voyez l’homme spirituel devenu ange de Dieu. « Je n’ai pu parler comme à des hommes spirituels, mais bien comme à des hommes charnels[2] ». Il descend de sa hauteur spirituelle pour aller à des hommes charnels, comme un ange du ciel qui vient sur la terre. Quel sens donner à ces ministres qui sont un feu ardent, sinon celui que saint Paul exprime : « Ayez la ferveur de l’Esprit[3] ? » En sorte que tout homme à l’âme fervente, sera le feu ardent ministre du Seigneur. N’était-ce donc pas un feu ardent que saint Étienne ? Quel feu le brûlait ? Quel était ce feu qui le portait à prier quand on le lapidait, et pour ceux qui le lapidaient[4] ? Dire qu’un serviteur de Dieu est une flamme, est-ce dire qu’il va tout brûler ? Qu’il brûle sans doute, mais qu’il, brûle ce qui est paille chez toi, c’est-à-dire que le ministre de Dieu brûle tous tes désirs charnels, en prêchant la parole de Dieu. Écoute celui-ci : « Que l’homme nous regarde comme les ministres du Christ, et les dispensateurs des mystères de Dieu[5] ». De quelle flamme n’était-il pas embrasé, quand il disait : « Notre bouche vous est ouverte, ô Corinthiens, notre cœur s’élargit[6] ». Il était alors tout ardent, tout brûlant de charité, et il leur portait cette flamme sacrée. Tel est le feu que le Seigneur promettait d’envoyer sur la terre, quand il disait : « Je suis venu apporter le feu sur la terre[7] ». Il parle du feu comme du glaive[8]. Le glaive tranche les affections charnelles, le feu les consume. L’un et l’autre doivent s’entendre de la parole de Dieu, se reconnaître dans son esprit. Laisse-toi brûler par cette parole que tu entends, et vois ce qu’aura lait en loi le ministre de Dieu, « qui fait des esprits ses messagers, et du feu dévorant son ministre ».
17. « Il a fondé la terre sur sa propre base, elle ne sera pas ébranlée de siècle en siècle[9] ». Je ne sais s’il serait possible d’adapter ces paroles à notre terre, et si l’on pourrait dire : « Elle ne sera pas ébranlée de siècle en siècle » ; puisqu’il est dit d’elle : : « Le ciel et la terre passeront[10] ». Il est difficile d’assigner ici un sens littéral. Cette expression, en effet : « Il a fondé la terre sur sa propre solidité », pourrait nous faire croire à une solidité inconnue qui soutient la terre. Aussi le Prophète a-t-il dit : « Il a fondé », sur quoi ? sur la solidité de la terre même, appuyée à son tour sur une base qui nous est peut-être inconnue. Que la création nous dérobe des mystères, cette obscurité, chez les créatures, ne nous dérobera point le créateur ; voyons ce qu’il nous est possible, et par ce que nous voyons, aimons et bénissons le Seigneur. Efforçons-nous de chercher ici ce qui est caché sous cette figure. « Il a fondé la terre », et par là j’entends l’Église. « La terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme[11] » ; et par cette terre nous comprenons l’Église. Telle est la terre qui a soif, et qui dit dans les psaumes, car une seule parle pour toutes : « Mon âme est sans vous comme une terre sans eau[12] ». Qu’est-ce à dire, « sans eau ? » Une terre qui a soif. Mon âme a donc soif de vous, comme une terre sans eau ; car si elle n’est altérée, elle ne peut être bien arrosée. Pour une âme abreuvée, la pluie est un déluge, il faut qu’elle ait soif. « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice[13] ». Qu’elle dise : « Mon âme est sans vous comme une terre sans eau » ; comme elle dit ailleurs : « Mon âme a eu soif du Dieu vivant[14] ». Cette terre est donc l’Église. Quelle est cette solidité sur laquelle elle est basée, sinon son fondement ? Est-ce déroger que d’entendre par cette solidité sur laquelle la terre est basée, ce fondement qui est l’appui de l’Église ? Quel est ce fondement ? « Nul », dit l’Apôtre, « ne saurait poser un fondement autre que celui qui est posé, et qui est Jésus-Christ[15] ». Voilà donc ce qui nous affermit. Aussi, affermis de la sorte, ne serons-nous pas ébranlés de siècle en siècle ; rien n’est plus inébranlable que ce fondement. Tu étais infirme, mais un fondement aussi solide te rassure. Appuyé sur toi-même, tu ne pouvais être solide, mais tu seras toujours ferme, si tu ne t’écartes jamais

  1. 1 Cor. 2,15
  2. Id. 3,1
  3. Rom. 12,11
  4. Act. 7,59
  5. 2 Cor. 4,1
  6. 2 Cor. 6,11
  7. Lc. 12,49
  8. Mt. 10,34
  9. Ps. 103,5
  10. Mt. 24,35
  11. Ps. 23,1
  12. Ps. 142,6
  13. Mt. 5,6
  14. Ps. 41,3
  15. 1 Cor. 3,11