Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/61

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lu as méprisé le matin du monde, que les souffrances du Seigneur te fassent aussi mépriser le soir, et dire à ton âme : Que peut me faire cet homme, que n’ait enduré pour moi mon Dieu ? Gardons la justice, et ne consentons pas à l’iniquité. Qu’il sévisse contre ma chair, le piège sera brisé, et je volerai vers mon Dieu, qui me dit : « Ne crains point ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme[1] ». Et même au sujet du corps il nous donne une garantie, en disant : « Il ne périra pas un cheveu de votre tête[2] ». Il donne ici cette magnifique image : « Vous mettrez la joie dans mes issues du matin et du soir ». Si ces démarches en effet n’ont pour vous aucun charme, il vous en coûtera peu de sortir de là. Tu donneras tête baissée dans le gain qui t’est promis, si tu goûtes peu les promesses du Sauveur. Et derechef, tu céderas à la tentation et à la crainte, si lu ne trouves tes délices dans les douleurs qu’il a le premier endurées, pour te ménager une issue. « Vous mettrez la joie dans nos démarches du matin et du soir ».
14. « Vous avez visité la terre et l’avez enivrée[3] ». Par où a-t-il enivré la terre ? « Quelle est la splendeur de votre calice qui enivre[4] ! Vous avez visité la terre et l’avez enivrée » : vous avez envoyé vos nuages qui ont épanché la rosée de la vérité, et la terre a été enivrée. « Vous avez multiplié ses richesses ». Par quel moyen avez-vous multiplié ses richesses ? « Le fleuve du Seigneur a été rempli d’eau ». Quel est ce fleuve de Dieu ? Le peuple de Dieu. Le premier peuple a été rempli de manière à arroser tout le reste de la terre. Écoute le Seigneur qui promet des eaux : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et qu’il boive. Quiconque croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein[5] ». S’il y a des ruisseaux, il n’y a cependant qu’un fleuve ; parce que dans l’unité tous n’en forment qu’un seul. Il y a plusieurs Églises, et néanmoins une seule Église, plusieurs fidèles et une seule Épouse du Christ ; ainsi plusieurs écoulements ne forment qu’un seul fleuve. Beaucoup d’israélites embrassèrent la foi, et furent remplis de l’Esprit-Saint : puis ils se répandirent dans les nations et commencèrent à prêcher la vérité ; et ce fleuve de Dieu, qui a été rempli d’eau, arrosa toute la terre. « Vous avez ainsi préparé leur nourriture : parce que telle est votre préparation ». Ce n’est point parce qu’ils avaient bien mérité de vous, ceux à qui vous avez pardonné leurs péchés : leurs mérites étaient mauvais ; mais vous l’avez fait à cause de votre miséricorde : « Comme c’est ainsi que vous préparez, vous leur avez préparé leur nourriture ».
15. « Arrosez ses sillons ». Creusons d’abord des sillons qui seront ensuite arrosés que notre cœur trop dur s’ouvre au soc de la parole de Dieu. « Arrosez ses sillons, multipliez ses fruits ». Voilà ce que nous voyons ; les hommes croient, leur foi engendre d’autres croyants, et ces croyants d’autres croyants encore : il ne suffit point à l’homme d’être fidèle et de gagner l’unique nécessaire. Ainsi se multiplie la semence ; on jette quelques grains et des moissons surgissent. « Arrosez ses sillons, multipliez ses produits, et le germe tressaillera pénétré de ses rosées[6] » ; c’est-à-dire, avant peut-être qu’elle ne puisse recevoir toute l’eau du fleuve, « quand elle germera, elle tressaillera de sa rosée, ou de ce qui lui est convenable ». Aux enfants, en effet, ainsi qu’aux faibles, on ne donne qu’une faible rosée des mystères, parce qu’ils ne pourraient supporter la vérité dans sa plénitude. Écoutez quelle douce rosée est donnée aux enfants à leur naissance, ou quand, nouvellement nés, ils sont le moins coupables : « Je n’ai pu », dit l’Apôtre, « vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels, comme à des enfants en Jésus-Christ[7] ». Quand il dit : « Des enfants en Jésus-Christ », il parle d’enfants déjà nés, mais incapables de goûter cette abondante sagesse, dont il dit : « Nous prêchons la sagesse aux parfaits[8] ». Qu’il se réjouisse de ses gouttes de rosée, à sa naissance et pendant son accroissement ; devenu parfait, il prendra la nourriture de la sagesse : de même que l’on donne d’abord du lait à un enfant et qu’il devient capable de nourriture ; toutefois, c’est de cette nourriture, dont il était d’abord incapable, que s’est formé le lait. « Et quand elle germera, elle se réjouira de quelques gouttes de rosée ».
16. « Vous bénirez la couronne des années de votre bonté[9] ». C’est aujourd’hui le moment de semer, la semence croît, la moisson viendra ensuite. Et aujourd’hui, au milieu

  1. Mt. 10,28
  2. Lc. 21,18
  3. Ps. 64,10
  4. Id. 22,5
  5. Jn. 7,37-38
  6. Ps. 64,11
  7. 1 Cor. 3,1
  8. Id. 2,6
  9. Ps. 65,12