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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/615

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vous est le principe, et le Père n’a jamais été séparé de vous. Mais quand il apparaîtra que le principe est avec vous, il se manifestera à tous ceux qui seront devenus semblables à vous, puisqu’ils vous verront tel que vous êtes[1]. Philippe vous voyait réellement ici-bas, et néanmoins il voulait voir le Père[2]. Alors on verra ce que l’on croit maintenant. Alors le commencement sera avec vous, sous les yeux des saints, sous les yeux des justes, et les impies seront bannis, afin qu’ils ne voient point la gloire du Seigneur.
14. Croyons donc maintenant, mes frères, ce que nous verrons alors. Car il fit un reproche à Philippe, de demander à voir le Père, et de ne point reconnaître le Père dans le Fils : « Depuis si longtemps que je suis avec vous, ne me reconnaissez-vous pas encore ? Philippe, quiconque m’a vu a vu aussi mon Père[3] ». Mais seulement « celui qui me voit », non celui qui voit en moi la forme de l’esclave. « Quiconque dès lors m’a vu », tel que je me suis réservé pour ceux qui me craignent, tel que je me dois montrer à ceux qui espèrent en moi[4], « a vu mon Père ». Mais comme cette vision est pour l’avenir, que devons-nous avoir en attendant ? Voyons ce qu’il dit à Philippe. Après lui avoir dit « Celui qui me voit, voit aussi mon Père », comme si Philippe eût répondu en lui-même : Comment vous verrai-je, si l’on doit vous voir autrement que dans la forme de l’esclave ? ou comment verrai-je le Père, moi, homme faible, cendre et poussière ? se tournant alors vers lui, différant de se montrer à lui, et lui commandant la foi, après lui avoir dit : « Quiconque me voit, voit aussi mon Père » ; parce que c’était là beaucoup pour Philippe, et qu’il était loin encore de voir le Père ; « Ne croyez-vous pas », lui dit Jésus, « que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi[5] ? » Ce que tu ne saurais voir encore, crois-le, et mérite ainsi de le voir. Quand donc sera venu pour nous le temps de voir, alors nous verrons que « le commencement est avec vous, au jour de votre puissance ». « De votre puissance », et non de cette puissance qui a éclaté dans votre faiblesse, car il y avait là aussi une puissance, mais « au jour de votre vertu » ; les hommes ont aussi leurs vertus dans la foi, l’espérance, la charité, les bonnes œuvres ; mais ils doivent aller de vertu en vertu[6]. « Avec vous est le principe », on vous verra avec le Père, dans le Père, comme le Père. « Avec vous est le principe au jour de votre vertu », de cette vertu que l’impie ne saurait voir. Car ce qui est faible en vous, est plus fort que tous les hommes[7] ; puisqu’en vous « est le principe au jour de votre force ».
15. Marquez-nous maintenant quelle est cette force ; car ici, nous l’avons déjà vu, il a été question de cette puissance, quand sortait de Sion le sceptre de votre force, pour dominer au milieu de vos ennemis. De quelle vertu parlez-vous ? « Dans la splendeur des saints ». Oui, dit-il, « dans la splendeur des saints ». Il parle donc de sa vertu, quand les saints seront dans la splendeur, et non point tandis qu’ils traînent encore une chair terrestre dans un corps mortel, tandis qu’ils gémissent dans une corruption qui appesantit l’âme, et que cette habitation terrestre abaisse l’esprit malgré le nombre de ses pensées[8] ; comme les pensées nous sont invisibles, ce n’est point encore « dans la splendeur des saints ». Qu’est-ce à dire, « dans la splendeur des saints ? » « Jusqu’à ce que vienne le Seigneur qui doit éclairer les ténèbres les plus cachées, mettre à nu les pensées des cœurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due[9] ». Telle est « la splendeur des saints », car « alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père ». Écoutez donc ce que signifie « dans la splendeur des saints ».« Viendra la moisson », dit le Sauveur, « viendra la fin du siècle ; et le Père de famille enverra ses anges, et ils arracheront de son royaume tous les scandales qu’ils jetteront dans la fournaise du feu ; alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père[10] ». Dans quel royaume ? Voyez s’il nous est réservé une autre vision que celle dont il est dit : « Avec vous est le principe ». Dans quel royaume ? Assurément dans la vie éternelle. Car voici ce qu’il doit dire à ceux qui seront à sa droite : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde[11] ». Puis, quand les impies seront damnés, séparés de ces justes qui auront reçu des louanges, comment

  1. Jn. 3,2
  2. Id. 14,8
  3. Id. 9
  4. Ps. 30,20
  5. Jn. 14,10
  6. Ps. 83,8
  7. 1 Cor. 1,25
  8. Sag. 9,15
  9. 1 Cor. 4,5
  10. Mt. 13,39-43
  11. Id. 25,34