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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/625

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Que le Seigneur voie donc les progrès de chacun dans la voie de ses commandements ; et toutefois il sera plein d’ardeur, celui qui aimera la paix de ce saint édifice ; et il ne doit point désespérer, puisque sa volonté est pleinement dans la loi du Seigneur, et qu’il y a paix sur la terre pour les hommes de bonne volonté[1].
3. C’est pourquoi « sa postérité sera puissante sur la terre[2] ». Cette race ou semence, qui nous prépare une moisson pour l’avenir, consiste dans les œuvres de miséricorde, selon l’Apôtre, qui nous dit : « Ne nous lassons pas de faire le bien, puisque nous moissonnerons dans la saison[3] » ; et encore : « Je vous le dis, quiconque sème peu, moissonnera peu[4] ». Quelle plus grande puissance, mes frères, que celle d’acheter le royaume des cieux, non seulement avec la moitié de nos biens, comme Zachée[5] mais encore avec les deux deniers de la veuve[6], et d’y posséder tous un héritage égal ? Quelle plus grande puissance que d’acquérir un royaume, et le riche par ses trésors, et le pauvre par un verre d’eau froide ? Or, plusieurs font ces œuvres, pour acquérir les biens de la terre, ou dans l’espérance d’une récompense de ha part du Seigneur, ou dans le désir de plaire aux hommes ; mais le Prophète ajoute que « la race des justes sera bénie », c’est-à-dire leurs œuvres ; car « le Seigneur est bon pour ceux « qui ont le cœur droit », et la droiture du cœur consiste à ne point résister au Père qui nous châtie, et à croire à ses promesses : et nulle bénédiction pour la race de ceux dont les pieds chancellent, dont la démarche est mal assurée et finit par la chute, comme un autre psaume l’a chanté, parce qu’ils ressentent de l’envie contre les pécheurs, en voyant la paix dont ils jouissent, et qu’ils s’imaginent que leurs œuvres ont péri, dès lors qu’ils n’en reçoivent pas une récompense périssable[7]. Mais pour cet homme qui craint le Seigneur, et qui en redressant son cœur le façonne pour le royaume de Dieu, il ne cherche point la gloire humaine et ne convoite pas les richesses terrestres, et pourtant : « La gloire et la richesse sont dans sa maison ». Car sa maison, c’est son cœur, et là, fortifié par la faveur de Dieu, il est plus riche par l’espérance de la vie éternelle, qu’il ne le serait, avec les flatteries des hommes, dans des palais de marbre et d’azur, avec la crainte de la mort éternelle. « Car la justice de Dieu demeure de siècle en siècle[8] ». Telle est la vraie gloire, telles sont les véritables richesses. Quant à cet autre, sa pourpre, son fin lin, ses festins splendides[9], tout cela s’en va, même quand il en jouit ; et quand tout cela sera passé, sa langue desséchée demandera à grands cris qu’une goutte d’eau tombe du doigt de Lazare.
4. « Du sein des ténèbres la lumière s’est levée pour les cœurs droits[10] ». C’est avec raison qu’ils redressent leur cœur vers Dieu, avec raison qu’ils marchent dans le chemin droit, en présence de leur Dieu, préférant toujours sa volonté, et ne présumant point de la leur. Ils se souviennent, en effet, qu’autrefois ils étaient ténèbres, et qu’ils sont maintenant lumière dans le Seigneur[11]. « Car le Seigneur Dieu est clément, juste et miséricordieux ». Sa clémence et sa miséricorde nous réjouissent, mais sa justice nous effraie peut-être. Loin de toi tout désespoir et toute crainte, ô toi, homme bienheureux, qui crains le Seigneur, qui mets ta joie dans l’accomplissement de sa volonté : sois doux, miséricordieux, et bienfaisant. Car c’est ainsi que le Seigneur Dieu est juste, au point d’exercer un jugement sans miséricorde contre celui qui n’a point fait miséricorde[12]. Or, « celui-là est doux, qui fait miséricorde et qui prête[13] » ; Dieu ne le rejettera point de sa bouche comme celui qui serait fade. « Remettez les dettes », vous est-il dit, « et l’on vous remettra ; donnez, et l’on vous donnera[14] ». C’est faire miséricorde, que remettre les dettes, afin que les nôtres nous soient remises ; c’est prêter, que donner pour que l’on nous donne. Bien qu’en général on appelle miséricorde le soulagement que l’on procure à la misère ; il y a néanmoins une différence entre donner, et ces occasions où l’on ne fait aucune dépense, ni en argent, ni en assistance par un travail corporel, et où nous acquérons gratuitement le pardon de nos péchés, en pardonnant aux autres leurs offenses envers nous. Ces deux effets de la charité, de pardonner les offenses et de procurer des bienfaits, comme nous l’avons remarqué dans l’Évangile : « Remettez, et il vous sera remis ; donnez, et l’on vous donnera »,

  1. Lc. 9,14
  2. Ps. 111,2
  3. Gal. 6,9
  4. 2 Cor. 9,6
  5. Lc. 19,8
  6. Mc. 12,42
  7. Ps. 72,1-14
  8. Ps. 111,5
  9. Lc. 16,19
  10. Ps. 101,4
  11. Eph. 5,8
  12. Jac. 2,13
  13. Ps. 111,5
  14. Lc. 11,37-38