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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/628

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qui doit être prêché éternellement et partout. Qu’il soit donc éternellement prêché « que le nom du Seigneur soit béni et maintenant et jusque dans les siècles ». Qu’on le prêche : « Depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, que le nom du Seigneur soit loué[1] ».
2. Qu’un de ces saints enfants qui bénissent le Seigneur, vienne me questionner et me dire : Cette expression « jusque dans les siècles », je l’entends de l’éternité ; mais pourquoi : « dès maintenant », et non point avant ce temps et avant tous les siècles, « que le nom du Seigneur soit béni ? » Je répondrai à l’enfant qui ne fait point cette question par obstination : C’est à vous, seigneurs et enfants, c’est à vous qu’il est dit : « Louez le nom du Seigneur : que le nom du Seigneur soit béni » ; qu’il soit béni par vous, ce nom du Seigneur, dès maintenant qu’on vous en avertit. Vous commencez à louer Dieu ; louez-le pour jamais. « Dès maintenant » donc, et jusque dans les siècles, louez-le sans fin. Ne dites point : Nous avons commencé à louer le Seigneur, parce que nous étions enfants ; maintenant, que l’âge est venu et que nous avons grandi, c’est nous-mêmes que nous bénissons. Non, mes enfants, non ; et Dieu nous dit par Isaïe : « Je suis ; et quand vous aurez vieilli, je suis encore[2] ». Il est donc toujours louable, Celui qui est toujours. « Louez-le donc dès aujourd’hui, ô enfants » ; louez-le quand vous aurez vieilli « et jusqu’à la fin des siècles » ; et la vieillesse aura pour vous la couronne des cheveux blancs de la sagesse, et non les rides flétries de la chair. Ou plutôt, comme l’enfance désigne principalement ici l’humilité, contraire à cette vaine et fausse grandeur de l’orgueil, et dès lors, comme il n’y a que les enfants pour louer le Seigneur, puisque les superbes ne savent point le louer, ayez une vieillesse enfantine et une enfance déjà mûre ; c’est-à-dire que votre sagesse ne soit point orgueilleuse, non plus que votre humilité sans sagesse : afin que vous puissiez louer le Seigneur, « dès maintenant et jusque dans les siècles ». De quelque côté que l’Église du Christ soit répandue dans les petits qui sont saints, « louez le nom du Seigneur » ; c’est-à-dire : « De l’Orient jusqu’au Couchant, louez le nom « du Seigneur ».
3. « Le Seigneur est élevé au-dessus de toutes les nations[3] ». Ces nations sont des hommes, et qu’y a-t-il d’étonnant que le Seigneur soit élevé au-dessus des hommes ? Ces idolâtres, qui abandonnent le Créateur pour adorer la créature, voient de leurs yeux briller dans le ciel ce soleil, cette lune et ces étoiles qu’ils adorent. Mais non seulement le Seigneur est élevé au-dessus des nations, « sa gloire domine aussi tous les cieux ». Les cieux voient donc le Seigneur bien au-dessus d’eux ; et les humbles, quoique constitués dans la chair au-dessous du ciel, ont avec eux ce même Dieu qu’ils adorent sans adorer le ciel.
4. « Qui est semblable à Dieu Notre-Seigneur, lequel habite les lieux élevés, et regarde ce qui est humble[4] ? » On pourrait croire que, d’un point élevé des cieux, le Seigneur regarde ce qu’il y a de plus bas sur la terre ; mais il regarde « ce qu’il y a de plus bas dans le ciel et sur la terre ». Quel est donc ce lieu élevé qu’habite le Seigneur pour voir ce qui est abaissé dans le ciel et sur la terre ? Dans ces lieux élevés qu’il habite, verrait-il aussi les humbles qu’il regarde ? Car, élever les humbles, ce n’est point les rendre orgueilleux. Il habite alors les âmes humbles qu’il a élevées ; il s’en fait un ciel ou un trône : et toutefois, comme ces âmes n’ont aucun orgueil, comme elles sont soumises à Dieu, il voit dans le ciel même ce qu’il y a de plus humble, ce qui lui forme un trône élevé. L’Esprit. Saint, en effet, s’exprime ainsi par la bouche d’Isaïe : « Voici ce que dit le Très-Haut, qui habite au plus haut des cieux, dont le nom est l’Eternel : Le Seigneur Très-Haut a son repos dans les saints[5] ». Il explique lui-même cette expression, qu’il habite au plus haut des cieux, en ajoutant, d’une manière plus claire, qu’il a son repos dans les saints. Mais quels sont les saints, sinon les humbles, sinon les enfants – qui louent le Seigneur ? Aussi le Prophète nous dit-il qu’il grandit les âmes pusillanimes, et qu’il donne la vie aux humbles de cœur. Ces âmes timides qu’il grandit sont donc les saints, en qui il repose ; car, en leur donnant la grandeur, il les élève ; puis, reposant en eux il habite les hauteurs. Et en retour, comme il donne la grandeur aux humbles, il voit l’humilité dans ces mêmes hauteurs qu’il habite. Mais, dit le Prophète, « Dieu regarde les humbles dans le ciel et sur la terre ».

  1. Ps. 112,2-3
  2. Isa. 46,4
  3. Ps. 112,4
  4. Id. 5,6
  5. Id.