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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/63

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blés en abondance » ; et les peuples humbles parieront des fruits nombreux « Ils crieront », et à cause de ces cris ils produiront du froment en abondance. Que doivent-ils crier ? « Ils chanteront une hymne ». Autre chose est de crier contre Dieu, et autre de chanter une hymne ; autre de proférer des chants sacrilèges, autre de chanter les louanges de Dieu. Proférer le blasphème, c’est produire des épines ; chanter une hymne, c’est produire du froment.


DISCOURS SUR LE PSAUME 65

PRÊCHÉ À CARTHAGE.

LA FOI EN LA RÉSURRECTION.

Double erreur des Juifs qui ont attendu dans la résurrection les biens de la terre, et cru qu’ils ressusciteraient seuls. Jésus répond que nous serons alors comme des anges. C’est un bonheur que toute la terre doit chanter, chanter même extérieurement ou sur le psaltérion, afin que les hommes en soient édifiés. La grâce est pour tous, mais n’est point le salaire de nos mérites. De là cette crainte que doivent nous inspirer les œuvres de Dieu, qui donne la lumière aux humbles et aveugle les orgueilleux. Les Juifs ont été retranchés, et les Gentils insérés à leur place : de cette insertion Dieu retranche encore les hérétiques. Le mensonge de ses ennemis concourt à sa gloire. Mensonges d’accusation, mensonges contre la résurrection. Jésus triomphe en montant au ciel. Les Gentils qui étaient une mer sont devenus une terre sèche. Toute âme humble passe à pied sec le fleuve de la vie, pour s’épanouir en Jésus-Christ, qui est ici-bas notre espérance, qui sera notre force. Au rejeton d’Abraham, nous devons ce que nous sommes, il nous éclaire, nous maintient dans la vertu, nous soutient dans les épreuves, nous aide à supporter les hommes. C’est lui qui nous garantit du feu qui nous consumerait, de l’eau qui nous corromprait. Offrons-lui des holocaustes, c’est-à-dire que le feu ne laisse en nous rien de terrestre, des holocaustes intérieurs, par la charité, qui lui amèneront les bœufs et les boucs, les innocents et les coupables. Il fait à notre âme cette faveur, qu’il la tire du culte des idoles pour la tourner vers lui, qu’il nous détourne de l’iniquité, nous donne la prière, et par la prière la miséricorde.


1. Ce psaume a pour titre : « Pour la fin, chant du psaume de la résurrection[1] ». Lorsque dans l’énoncé d’un psaume vous entendez « pour la fin », comprenez : pour le Christ, d’après cette parole de l’Apôtre : « Le Christ est la fin de la loi, pour justifier ceux qui croiront[2] ». Vous allez donc entendre un chant de résurrection, et savoir qui ressuscite, autant qu’il voudra bien lui-même nous en donner l’intelligence. Nous autres, chrétiens, nous connaissons la résurrection qui s’est opérée dans notre chef, et qui aura lieu dans ses membres. « Le Christ est chef de l’Église, et l’Église forme les membres du Christ[3] ». Ce qui s’est tout d’abord accompli dans le chef, doit ensuite s’accomplir dans le corps. Telle est notre espérance voilà pourquoi nous croyons, voilà ce qui nous soutient, ce qui nous fait supporter la malice de ce monde, parce que l’espérance nous console, jusqu’à ce que l’espérance devienne réalité ; or, elle se réalisera quand nous ressusciterons, alors que devenus célestes nous serons semblables aux anges. Qui oserait l’espérer, si la vérité même ne l’avait promis ? Ces promesses, cette espérance, les Juifs les avaient aussi ; de là vient qu’ils se glorifiaient de leurs bonnes œuvres, comme des œuvres de justice, parce qu’ils avaient reçu la loi, et qu’en la prenant pour règle de vie, ils devaient posséder ici-bas des biens temporels, et à la résurrection des morts, acquérir ces mêmes biens qui faisaient leur joie ici-bas. Aussi les Juifs ne pouvaient-ils répondre aux Sadducéens, qui niaient la résurrection future, et qui leur proposaient la question qu’ils firent au Seigneur. Nous comprenons, en effet, par l’admiration que leur causa la solution du Seigneur, que cette question était pour eux insoluble. Les Sadducéens le questionnaient donc au sujet d’une femme qui avait eu sept

  1. Ps. 65,1
  2. Rom. 10,4
  3. Col. 1,18