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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/647

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menteur » ; mais que Dieu est véridique, lui qui a dit : « Je l’ai dit : vous êtes tous des dieux, tous, les enfants du Très-Haut ; et néanmoins, vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme un des princes[1] ». Dieu console ici les humbles, il les remplit non seulement de cette foi qui leur fait croire la vérité, mais de cette confiance qui la tait prêcher, s’ils persévèrent dans la soumission au Seigneur, s’ils n’imitent point l’un des princes ou le diable qui ne s’est point maintenu dans la vérité et qui est tombé. Car si tout homme est menteur, moins ils seront hommes, et moins ils seront menteurs ; et alors ils seront des dieux, les fils du Très-Haut.
4. Le peuple si dévoué des martyrs considère comment le Seigneur dans sa miséricorde n’abandonne point l’infirmité humaine, dont la vue a fait dire en tremblant : « Tout homme est menteur » ; comment il daigne consoler les humbles, remplir de confiance ceux qui tremblaient, en sorte que leur cœur déjà presque mort reprend une vie naturelle, et qu’ils ne mettent plus leur confiance en eux-mêmes, mais en celui qui ressuscite les morts[2], qui rend éloquentes les langues des enfants[3], qui nous dit : « Quand ils vous traduiront, ne vous mettez point en peine de ce que vous devez dire ; ce qu’il vous faudra dire vous sera inspiré à l’heure même ; car ce n’est point vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père qui parle en vous[4] ». Voilà ce que considère celui qui avait dit : « Dans mon extase, je l’ai dit : tout homme est menteur » ; et voyant que, par la grâce de Dieu, lui-même est devenu véridique : « Que rendrai-je au Seigneur, s’écrie-t-il, pour tous les biens qu’il m’a rendus[5] ? » Il ne dit point, pour tous les biens qu’il m’a accordés, mais : « pour tout ce qu’il m’a rendu ». Qu’avait donc fait l’homme auparavant, pour que les dons de Dieu ne fussent point une simple faveur, mais une rétribution ? Qu’avait fait l’homme, sinon des fautes ? Dieu a donc rendu le bien pour le mal ; lui à qui les hommes rendent le mal pour le bien. Voilà en effet ce que lui ont rendu ceux qui ont dit : « C’est là l’héritier, venez et tuons-le[6]. »
5. Mais l’interlocuteur cherche ce qu’il doit rendre au Seigneur, et il ne trouve rien, sinon les biens que le Seigneur lui a rendus. « Je prendrai », dit-il, « le calice du salut, et j’invoquerai le nom du Seigneur[7] ». O homme, que ton péché a fait menteur, que la grâce de Dieu a rendu véridique, et qui n’es plus homme dès lors, qui t’a donné ce calice du salut, que tu prendras pour invoquer le nom du Seigneur, et le remercier de tous les biens qu’il t’a rendus ? Qui, sinon celui qui a dit : « Pouvez-vous boire le calice que je boirai moi-même[8] ? » Qui t’a donné la force de souffrir comme lui, sinon celui qui a, le premier, souffert pour toi ? De là vient que « la mort de ses saints est précieuse aux yeux du Seigneur[9] ». Il l’a achetée de ce même sang qu’il avait répandu pour le salut de ses serviteurs, afin que ces serviteurs n’hésitassent point à répandre leur sang pour lui ; ce qui néanmoins serait un avantage pour eux, et non pour le Seigneur.
6. Que l’esclave acheté à un si grand prix reconnaisse donc sa condition d’esclave, et qu’il dise : « Je suis votre serviteur, ô mon Dieu, et le fils de votre servante[10] ». Il est donc tout à la fois esclave acheté, et fils de la servante. A-t-il été aussi acheté avec sa mère ? Ou bien, parce qu’il est né dans la maison de son maître, et dès lors dépouillé à cause du péché de sa fuite, est-il esclave acheté, parce qu’il a été racheté ? Il est en effet le fils de la servante, en ce sens que toute créature est soumise au Créateur, et doit au véritable maître un véritable service, qui lui vaut la liberté quand elle le fait pleinement ; et voilà que lui vient du Seigneur la grâce de le servir de gré et non par nécessité. Le Prophète est donc fils de cette Jérusalem céleste, qui est notre mère d’en haut, notre mère à tous, et notre mère libre[11]. Libre du péché, mais esclave quant à la justice ; et c’est à ses fils, pèlerins en cette vie, que l’on dit : « Vous êtes appelés à la liberté[12] ». Puis le même Apôtre les réduit ensuite à l’esclavage : « Assujettissez-vous les uns aux autres par la charité[13] ». Puis il leur dit encore : « Lorsque vous étiez esclaves du péché, vous vous affranchissiez de la justice ; maintenant que vous êtes affranchis du péché et devenus esclaves de Dieu, le fruit que vous en tirez est votre sanctification, et la fin sera la vie éternelle[14] ». Qu’il dise donc à Dieu, cet

  1. Ps. 81,6-7
  2. 2 Cor. 1,9
  3. Sag. 10,21
  4. Mt. 10,19-20
  5. Ps. 115,12
  6. Mt. 21,38
  7. Ps. 115,13
  8. Mt. 20,22
  9. Ps. 115,15
  10. Id. 16
  11. Gal. 4,26
  12. Id. 5,13
  13. Id.
  14. Rom. 6,20-22