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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/652

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secours de l’affliction ; en sorte que le vrai salut soit la part des persécutés, tandis que les persécuteurs n’auront que ce salut futile qui vient de l’homme. Tout cela est grand. Comment s’en étonner ? Écoute ce que répète le Psalmiste. Ce n’est point l’homme qui s’est élevé, ni l’homme qui s’est perfectionné, ni l’homme qui s’est élevé en gloire, ni l’homme qui a vaincu, ni l’homme qui s’est procuré le salut : « C’est la droite du Seigneur qui a signalé sa force ».
12. « Je ne mourrai point, mais je vivrai, pour raconter les œuvres du Seigneur[1] ». Ces bourreaux accumulant les meurtres, croyaient l’Église du Christ exterminée ; et voilà qu’elle raconte les œuvres de Dieu, partout le Christ est la gloire des martyrs. Il a vaincu ceux qui le frappaient par la douleur, les furieux par la patience, les plus violents par la charité.
13. Toutefois, que le corps du Christ, la sainte Église, le peuple d’adoption nous dise pourquoi il a enduré tant d’indignes traitements. « Le Seigneur m’a châtié sévèrement, mais il ne m’a point livré à la mort[2] ». Que cette rage des impies n’attribue rien à ses forces ; elle n’aurait point cette puissance, si elle ne lui était venue d’en haut. Souvent un père de famille fait châtier son enfant par des serviteurs qui sont des scélérats ; et néanmoins c’est au premier qu’il destine son héritage, et des fers aux autres. Quel est cet héritage ? de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, ou bien un fonds de terre, d’agréables jardins ? Vois par où l’on y entre, et comprends ce qu’il est.
14. « Ouvrez-moi », dit-il, « les portes de la justice ». Voilà que nous en connaissons les portes. Quel est l’intérieur ? « En y entrant », dit le Prophète, « je confesserai le Seigneur[3] » ; c’est là une confession de louanges, qui est admirable jusqu’à la maison de Dieu, dans les cris d’allégresse et de la confession, dans les harmonies d’une solennité[4]. Telle est l’éternelle félicité des justes, qui constitue le bonheur de ceux qui habitent la maison du Seigneur, et qui le bénissent dans les siècles des siècles[5].
15. Mais vois comment on entre par les portes de la justice. « Ce sont les portes du Seigneur », dit le Prophète, « et c’est par elles qu’entreront les justes[6] ». Du moins, que nul homme injuste ne puisse les franchir, pour entrer dans cette Jérusalem qui ne reçoit aucun incirconcis, et où l’on dit : « Loin d’ici les chiens[7] ». Qu’il me suffise, dans mon pèlerinage lointain, « d’avoir habité sous les pavillons de César, et d’avoir gardé la paix avec ceux qui n’aimaient pas la paix[8] » ; d’avoir supporté jusqu’à la fin le mélange avec les méchants : mais « voici les portes du Seigneur, c’est par là qu’entreront les justes ».
16. « Je vous confesserai, ô mon Dieu, parce que vous m’avez exaucé et que vous êtes devenu mon sauveur[9] ». À chaque instant on vous montre que c’est là une confession de louanges ; non celle qui découvre ses plaies au médecin, mais celle qui lui rend grâce de la guérison qu’il lui doit. Et le médecin est aussi la santé.
17. Or, quel est ce médecin ? C’est « la pierre qu’ont repoussée ceux qui édifiaient ». Car c’est lui qui « est devenu la pierre de l’angle[10], afin de former en lui ces deux peuples en un seul homme nouveau, d’établir la paix entre eux, les réunissant en un même corps pour les réconcilier avec Dieu[11] ». Et ces deux peuples sont ceux de la circoncision et des Gentils.
18. « C’est le Seigneur qui lui adonné cette mission[12] » ; c’est-à-dire que le Seigneur l’a établi pierre angulaire. Quoique le Seigneur n’en soit arrivé là que par la souffrance, ce ne sont pas néanmoins ceux qui l’ont fait souffrir qui lui ont donné cette mission. Car ceux qui bâtissaient l’édifice l’ont repoussé ; mais, dans l’édifice invisible qu’il élevait, le Seigneur a posé comme pierre angulaire celle que l’on avait repoussée. « Et c’est là une merveille pour nos yeux », c’est-à-dire les yeux de l’homme intérieur, pour les yeux de ceux qui ont la foi, qui ont l’espérance, qui ont la charité ; non pour les yeux charnels de ceux qui l’ont rejeté parce qu’ils ne voyaient en lui qu’un homme.
19. « Voici le jour que le Seigneur a fait[13] ». Notre interlocuteur se souvient donc d’avoir dit, dans les psaumes précédents : « Le Seigneur a incliné son oreille vers moi, et je l’invoquerai en mes jours[14] » ; faisant allusion

  1. Ps. 117,17
  2. Id. 18
  3. Id. 19
  4. Id. 41,5
  5. Ps. 83,5
  6. Ps. 117,20
  7. Apoc. 22,15
  8. Ps. 119,5
  9. Id. 117,21
  10. Id. 22
  11. Eph. 2,15-16
  12. Ps. 117,23
  13. Id. 24
  14. Id. 114,2