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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/655

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superflue, c’est pour nos cœurs une exhortation bien nécessaire. Elle nous montre combien est avantageux ce qui est si généralement négligé, c’est-à-dire de marcher sans reproche dans cette voie qui est la loi du Seigneur ; elle proclame bienheureux ceux qui en agissent ainsi, afin que pour atteindre ce bonheur auquel tout homme aspire, nous nous déterminions à faire ce que tant d’hommes ne veulent point faire. Être heureux, est en effet un si grand bien, que les bons et les méchants le désirent. Il n’est pas étonnant que les bons soient tels pour y arriver ; mais ce qui est étrange, c’est que les méchants ne sont méchants que pour être heureux. Tout voluptueux, tout homme perdu de débauche ne s’abandonne à ces infâmes jouissances, que pour chercher le bonheur dans ces désordres, et il se croit malheureux quand il ne saurait atteindre la voluptueuse joie qu’il convoite, il vante son bonheur s’il y parvient. Quiconque est en proie aux désirs brûlants de l’avarice, n’amasse par tout moyen des richesses que pour être heureux ; quiconque cherche à répandre le sang de ses ennemis, quiconque veut dominer les autres, quiconque donne en pâture à sa cruauté le malheur des autres, ne cherche que le bonheur dans tous ces crimes. Ce sont donc ces âmes égarées, qu’une véritable misère force à chercher un faux bonheur, que cette voix divine rappelle dans le chemin si l’on veut l’entendre : « Bienheureux les hommes irréprochables dans leur voie, qui marchent dans la loi du Seigneur » ; comme s’il leur disait : Où allez-vous, infortunées ? Vous allez à la mort sans le savoir. Ce n’est point par là que l’on peut aller où vous prétendez arriver : vous aspirez au bonheur, mais les chemins où vous vous précipitez sont pleins de misère, et conduisent à une misère plus profonde encore. Ne cherchez point un si grand bien par de si grands maux ; si vous voulez y parvenir, venez par ici, suivez cette route. Quittez ces routes perverses, vous qui ne pouvez quitter le désir du bonheur. En vain vous vous épuisez pour aller où vous ne sauriez arriver sans être corrompus. Non, non, ils ne sont point heureux, ces criminels égarés qui marchent dans la corruption du siècle ; mais « ceux-là sont heureux qui sont irréprochables dans leur voie, qui marchent dans la loi du Seigneur ».
2. Voyez en effet ce qu’il ajoute : « Bienheureux ceux qui étudient ses témoignages, qui le recherchent de tout leur cœur[1] ». Ces paroles ne me paraissent point désigner un genre de bonheur autre que celui dont il est question auparavant. Car approfondir les témoignages du Seigneur, et le rechercher de toute son âme, c’est être sans reproche dans la voie, marcher dans la loi du Seigneur. Enfin le Prophète continue en disant : « Ceux qui commettent l’iniquité ne marchent point dans ses voies[2] ». Si donc marcher dans la voie, c’est-à-dire dans la loi du Seigneur, c’est approfondir ses ordonnances et le rechercher de toute son âme, assurément commettre l’iniquité ce n’est point sonder ses ordonnances. Et toutefois, nous connaissons des artisans d’iniquité qui approfondissent les ordonnances du Seigneur parce qu’ils préfèrent la science à la justice ; nous en connaissons d’autres qui étudient ces mêmes témoignages du Seigneur, non qu’ils vivent déjà saintement, mais afin d’apprendre comment ils sont obligés de vivre. Ceux-là donc ne sont pas encore sans tache dans la voie du Seigneur, et dès lors n’ont point encore le bonheur. Comment donc faut-il entendre : « Bienheureux ceux qui approfondissent ses témoignages », puisque nous voyons que des hommes qui ne sont point heureux parce qu’ils ne sont point purs encore, étudient néanmoins ces témoignages ? Ces Scribes, en effet, comme ces Pharisiens qui s’asseyaient sur la chaire de Moïse, et dont le Sauveur a dit : « Faites ce qu’ils disent, mais ne faites pas ce qu’ils font ; car ils disent et ne font point[3] », approfondissaient les ordonnances du Seigneur, mais avec la droiture dans leurs discours et l’iniquité dans leurs, œuvres. Mais laissons ces hommes dont on pourrait nous dire avec raison qu’ils ne sondent point les témoignages du Seigneur, puisque en réalité ce ne sont point ces témoignages qu’ils recherchent, et qu’ils poursuivent par ces témoignages un tout autre but, c’est-à-dire la gloire aux yeux des hommes, et la richesse. Car ce n’est pas étudier les témoignages du Seigneur, que n’aimer point ce qu’ils prescrivent et ne vouloir point arriver où ils nous conduisent, c’est-à-dire à Dieu. Si l’on veut néanmoins que ces hommes approfondissent les témoignages du Seigneur, bien qu’ils ne l’y recherchent point

  1. Ps. 118,2
  2. Id. 3
  3. Mt. 23,3