Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IX.djvu/73

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juste ? « Vous avez mis sur notre dos les tribulations : vous avez imposé les hommes sur nos têtes »[1]. Dieu semble agir ainsi dam sa colère : demeure sans crainte, car il est un père, et ne sévit jamais afin de perdre. S’il t’épargne pendant que tu vis dans le désordre, il n’en est que plus irrité. Toutes ces tribulations ne sont que les fouets qui doivent te corriger, pour n’être pas l’arrêt de ton châtiment. « Vous avez mis les tribulations sur notre dos, vous avez élevé les hommes sur nos têtes ».
17. « Nous avons passé par le feu et par l’eau 1 ». Le feu et l’eau, voilà deux dangers pour cette vie. L’eau paraît éteindre le feu, et le feu paraît dessécher l’eau. Telles sont aussi les épreuves si fréquentes en cette vie. Le feu dessèche, l’eau corrompt : et nous avons à craindre le feu de la tribulation, comme l’eau de la corruption. Dans les angoisses, ce que le monde appelle malheur devient comme un feu ; dans la prospérité, l’abondance vient à couler, et c’est comme une eau, Garde-toi donc, et du feu qui te brûlerait, et de l’eau qui te corromprait. Tiens ferme contre le feu ; tu dois passer au feu, tu es jeté dans la fournaise comme un vase d’argile, afin d’être consolidé dans ta forme. Mais le vase, une fois consolidé par le feu, ne craint plus l’eau : et toutefois, s’il n’est solidifié par le feu, il se dissoudra dans l’eau comme une boue. Ne t’empresse donc point de te jeter dans l’eau ; passe par le feu pour aller à l’eau, afin de traverser l’eau. Aussi dans les sacrements, dans les catéchismes, dans les exorcismes, nous commençons par le feu. Et d’où viendrait en effet que les esprits immondes s’écrient : Je brûle, si ce n’est point là un feu ? Or, après les feux de l’exorcisme on arrive au baptême : de même que du feu à l’eau, et de l’eau au rafraîchissement. Ce qui a lieu dans les sacrements, a lieu aussi dans les épreuves de cette vie. Nous éprouvons tout d’abord la crainte, c’est là le feu après la crainte, il nous faut redouter la félicité du monde qui nous corromprait. Mais quand le feu ne t’a point fait rompre, et que dans l’eau, loin d’être submergé, tu as surnagé, la règle te fait arriver au repos, et ainsi tu passes par le leu et par l’eau pour arriver au rafraîchissement. Car ce que les sacrements renferment en signes, ce sont les choses qui doivent nous arriver dans la perfection de la vie éternelle. Or, quand nous serons arrivés à ce rafraîchissement, mes frères bien-aimés, nous n’aurons plus à craindre aucun ennemi, aucun tentateur, aucun jaloux, aucun feu, aucune eau ; ce sera un rafraîchissement continuel. Mais ce nom de rafraîchissement lui vient du repos. Dites que c’est une chaleur, c’est vrai ; dites que c’est un rafraîchissement, c’est vrai encore. En mauvaise part, le rafraîchissement arriverait à nous engourdir ici-bas. Mais là, il n’y a plus de torpeur, il n’y a que le repos ; ce que l’on appelle chaleur ne nous suffoquera point, ce sera une ferveur d’esprit. Considère cette chaleur dans un autre psaume : « Nul ne peut se dérober à sa flamme[2] ». Que dit encore l’Apôtre ? « Ayez la ferveur de l’esprit[3] ». Donc « nous avons passé par l’eau et par le feu ; et vous nous avez conduits au rafraîchissement. »
18. Considérez que si le Prophète ne se tait point au sujet du rafraîchissement, il ne se tait pas non plus au sujet du feu qu’il nous faut désirer : « J’entrerai dans votre maison avec des holocaustes[4] ». Qu’est-ce que l’holocauste ? Ce qui est brûlé totalement, mais par le feu divin. Car on appelle holocauste ce sacrifice dans lequel tout est brûlé. Autres sont en effet les sacrifices partiels et autre l’holocauste. Il y a holocauste quand tout est embrasé, tout est consumé par le feu divin ; s’il n’y en a qu’une partie, c’est le sacrifice. Tout holocauste est donc un sacrifice, mais tout sacrifice n’est pas un holocauste. Aussi cette promesse d’holocaustes vient-elle du corps du Christ, c’est le Christ qui parle dans son unité. « J’entrerai dans votre maison au u moyen des holocaustes[5] ». Que votre feu brûle tout ce qui est en moi, qu’il ne reste rien de moi, que tout soit à vous. C’est là ce qui doit arriver à la résurrection des justes, « quand ce corps corruptible sera revêtu d’incorruptibilité, que ce corps mortel sera revêtu d’immortalité, alors arrivera ce qui est écrit : La mort est absorbée dans sa victoire[6] ». La victoire est comme un feu divin ; et comme elle doit absorber jusqu’à notre mort, c’est un holocauste. Rien de mortel ne demeurera dans notre chair, rien de coupable dans notre cœur ; tout ce qui est

  1. Ps. 65,12
  2. Ps. 18,7
  3. Rom. 12,11
  4. Ps. 65,13
  5. Ps. 65,13
  6. 1 Cor. 15,54